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La nouvelle incursion de Nicolas Winding Refn (aujourd’hui NWR, typique de l’égocentrique, mais aussi parce que ses films deviennent une marque) dans le monde de la mode a tout pour plaire, sa part atmosphérique, aux allures horrifiques et fantasmées ne faisant que renforcer son statut déjà admis de « film culte ». Aussi, l’idée d’en faire un conte de fées macabre (bien que cela ait déjà été fait cent fois) n’est pas mauvaise, d’autant que l’évolution du récit vers le gore le permet très bien. Après un Drive au succès public sans précédent et un Only God Forgives centré sur ses petits délires interprétatifs, Refn semble donc vouloir jouer sur le mélange des deux, pensant que l’ensemble lui vaudra la reconnaissance des critiques, mais aussi celle du public sur l’autel de l’auteur possédé. Encore fallait-il choisir l’un ou l’autre, tant The Neon Demon suinte la naïveté décomplexée, dans sa critique supposément acerbe du monde de la beauté, auquel il accole pourtant une esthétique des plus pubardes.


NWR pensait peut-être réussir à nous faire le coup une troisième fois (Drive n’est pourtant pas déplaisant à revoir, même aujourd’hui), mais cette nouvelle tentative, sans la moindre implication personnelle, est celle de trop. Qui voudrait nous faire croire que Refn est possédé par son sujet, quand celui-ci se perd déjà dans les premières scènes où trois jeunes femmes essaient de démonter la pauvre Elle Fanning en lui parlant vulgairement ? Récit initiatique d’une jeune vierge qui va vite se laisser dévorer par le système qui l’a met au monde, The Neon Demon est une inlassable répétition de poncifs et de clichés, sur fond de Dario Argento, David Lynch ou Alejandro Jodorowsky. Certaines scènes prêtent à sourire, mais sont gâchées par cette histoire bête et méchante que Refn veut inspirante et atmosphérique. N’y a-t-il pas, en 2016, autre chose à faire que des plans hérités de Clouzot et des métaphores grossières ? Ce qu’on retient du film, ce sont ses magnifiques jeux sur le regard, ces non-dits qui ponctuent la première moitié du film (Desmond Harrington est à la fois touchant et terrifiant, Elle Fanning est d’une beauté hypnotique), ces simples sensations que procurent justement la vision d’une beauté inviolée. On pourrait d’ailleurs croire que NWR souhaite la remettre en valeur, que Fanning sera cette perle au milieu de l’océan médiocre des femmes retouchées, mais jamais il ne saisit cette opportunité. Il continue, droit dans ses bottes, à croire que son récit possède une profondeur certaine, jusqu’à terminer son film sur des scènes d’une médiocrité sans bornes et au second degré qui prête au rire jaune. Son générique de fin, sur fond de Sia et d’images instagram finit de nous convaincre que le réalisateur s’est complètement perdu, soit dans son style, soit dans son narcissisme.

Florian_Bodin
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Même au cinéma il y a des escrocs, Année 2016 - Cinéma et Le pire du cinéma en 2016

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le 16 juin 2016

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Florian Bodin

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