The Neon Demon est un film trop radical pour être apprécié de tous et ses choix esthétiques ne plairont pas à tout le monde; il n'y a pas de demi-mesure: on déteste ou on adore! C'est justement cet anticonformisme qui me plait dans les films de Nicholas Winding Refn. Même s'il dispose d'un budget important et d'un casting classieux il arrive tout de même à nous sortir un objet filmique non identifié à la frontière de l'art et de l'expérimental quitte à jouer sur quelques paradoxes: ex le morceau du générique de fin de Sia parait très commercial par rapport au reste de la bande son néanmoins dans un univers comme la mode où la finalité est de vendre des produits cela me semble logique. Je ne vais pas revenir sur le résumé (il suffit de lire la fiche du film) mais m'appuyer directement sur la forme et le fond.


D'entrée de jeu ce qui marque dans le film (et qui est devenue une marque de fabrique de NWR) c'est bien sur son esthétique tranchée de clip vidéo presque racoleuse: couleurs hyper saturées, cadrages soignés, lumières stroboscopiques, jeux sur la profondeur de champ, gros plans, ralentis (beaucoup moins que dans Drive), musique synthwave, symbolique des formes (triangle, cercle)...Le réalisateur utilise à bon escient tous les outils du langage cinématographique de la caméra à l'éclairage en passant par les bruitages. A propos de marque, je ne sais pas si c'est pour renforcer le parallèle avec la mode mais au début et à la fin du film on peut apercevoir un logo aux initiales du réalisateur "NWR" stylisé façon Vuitton (ou Yves Saint laurent). Certains y voient une marque de narcissisme du réalisateur mais si l'on accepte que le film est apparenté et vendu comme un produit de beauté cela me semble tout à fait justifié tout en renforçant le narcissisme du personnage principal Jesse qui finalement est aussi une partie de NWR. Cette esthétique de clip me fait d'ailleurs penser à Spring Breakers d'Harmony Korine (on pourrait aussi évoquer le cas The Void de Gaspar Noé) mais encore plus maîtrisé et là où The Neon Demon relève le niveau c'est cette bande son magnifique de Cliff Martinez qui donne encore plus la pression que les images à l'écran. Il faut bien sur aimer les synthétiseurs et la musique électronique mais elle s'accorde parfaitement à l'image. Je me permettrais même un parallèle avec le Giallo et cette osmose qu'on pouvait avoir dans les films de Dario Argento, parfaite adéquation image/son. Il ne faut pas non plus oublier cet attrait pour les couleurs psychédéliques et allumées des années 70 ainsi que ces personnages récurrents de femme aux traits caractéristiques : horreur et érotisme mélangés. On retrouve tout ça dans The Neon Demon. Sur la forme rien à dire donc, maitrise extrême et souci du détail.


S'agissant du fond j'ai un peu plus de réserves même si l'on comprend bien qu'il s'agit d'une satire extrême sur le milieu de la mode, de l'art et au delà des médias et qu'il ne faut pas non plus tout prendre au sérieux dans le film. Dans l'ensemble j'ai adoré le film cependant je trouve certains passages évoquant le narcissisme et la personnalité démoniaque grandissante de Jesse un peu longs. Au contraire j'aurais raccourci ces passages et allongé la fin. Ha cette fameuse fin! Elle fait déjà polémique. Ce n'est pas son aspect dégoutant (mais toujours esthétique) qui me dérange mais au contraire que le réalisateur ne soit pas aller au bout de sa mise en scène extrême. Attention spoil


En effet je trouvais très intéressant cette possibilité de transmutation du corps de Jesse, ce pouvoir de dépasser la mort à travers le corps de ses tortionnaires. Bon c'est mon avis personnel mais j'aurais aimé que cette folie suicidaire et criminelle se propage comme un virus aux autres filles et non pas qu'à la seule "blonde robotique", a priori la seule à évoquer des regrets sur son geste. Il est vrai qu'on perçoit déjà l'âme de Jesse à travers Ruby lors de la scène où elle a ses règles sous la lune! Cela dit j'aurais bien vu un carnage total chez toutes les filles, là on a juste 1/3 de carnage ^^. Pour autant je trouve ce basculement dans l'horreur très bien trouvé et que l'idée aurait pu être encore plus exploitée.


Autre petit détail, le personnage de Keanu Reeves; je trouve qu'il n'apporte pas grand chose à l'intrigue et qu'à l'instar de Charlize Theron dans Prometeus et Juliette Binoche dans Godzilla, il ne sert à rien (mis à part précipiter le départ de Jessy chez Ruby )!


Malgré tout et mise à part cette fin un peu étrange, l'ensemble m'a plutôt convaincu. NWR a l'art de transformer les choses violentes, tabou voire complètement horribles en objets de beauté et de plaisir visuel. Certes je suis déjà à la base un admirateur du travail de Nicolas Winding Refn depuis Pusher donc pas tout à fait objectif mais une fois de plus il a réussi à me surprendre et pour conclure je dirais que si vous voulez tenter "l'expérience" The Neon Demon, allez le voir sur grand écran pour profiter au maximum de l'ambiance sonore et visuelle: en DVD vous ne pourrez pas profiter de toute la puissance dramatique et de terreur qui émane du film.

Frédéric_Lakerm
9

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Coups de coeur personnels

Créée

le 25 juin 2016

Critique lue 306 fois

1 j'aime

Critique lue 306 fois

1

D'autres avis sur The Neon Demon

The Neon Demon
Antofisherb
5

Poison Girl

Bon allez, pas d’introduction bien tournée pour cette fois, pour éviter toute confusion et parce qu’on colle des procès d’intention au film pas tout à fait pertinents, je vais commencer par quelques...

le 8 juin 2016

196 j'aime

45

The Neon Demon
Gand-Alf
5

Beauty is Everything.

Le temps d'un plan, j'y ai cru, au point d'en avoir une demie molle. Le temps d'un opening theme fracassant, me renvoyant au temps béni de Blade Runner, et dont les basses me parcourent l'échine avec...

le 20 juin 2016

194 j'aime

6

The Neon Demon
Sergent_Pepper
8

Splendeur et décadence.

La plastique, c’est hypnotique. La bande annonce, le clip, la publicité : autant de formes audiovisuelles à la densité plastique extrême qu’on louera pour leur forme en méprisant le plus souvent...

le 13 juin 2016

149 j'aime

19

Du même critique

The Neon Demon
Frédéric_Lakerm
9

Toujours plus radical et esthétique

The Neon Demon est un film trop radical pour être apprécié de tous et ses choix esthétiques ne plairont pas à tout le monde; il n'y a pas de demi-mesure: on déteste ou on adore! C'est justement cet...

le 25 juin 2016

1 j'aime

Noé
Frédéric_Lakerm
4

Attention au naufrage

Je préfèrerais écrire des critiques positives pour vous inciter à aller voir des films mais la critique négative peut aussi être constructive. Et si cela peut éviter aux fans de Darren Aronofsky de...

le 25 avr. 2014

1 j'aime

Ghost in the Shell
Frédéric_Lakerm
5

Lost in the shell

Critique très subjective! Je ne vais pas vous résumer l'histoire, si vous me lisez c'est que vous vous êtes renseigné un minimum sur le film ou que vous connaissez déjà le manga animé ou papier...

le 15 avr. 2017