The Room
3.6
The Room

Film de Tommy Wiseau (2003)

Avant de commencer ma critique de The Room, il faut inévitablement parler du contexte de mon visionnage. L'appréciation d'un film dépend forcément du cadre dans lequel on le voit, et The Room en est un merveilleux exemple.


J'ai vu The Room lors d'une projection spéciale dans un bar, une bonne bière dans la main gauche, et une cuillère dans la main droite, la jetant à chaque fois que j'en voyais une à l'écran. J'étais avec des amis, entouré d'une centaine de personnes, un livret de règles posé sur la table, hurlant « Hi Denny » à chacune de ses apparitions, criant « la porte » lorsque celle-ci restait trop longtemps ouverte. Bref, j'ai vu The Room dans les meilleurs conditions pour l'aimer.


Car qu'on soit clair et net, en sortant de The Room, j'étais dans une euphorie folle, heureux d'avoir vécu pleinement un visionnage unique, hilarant, et ça, seul Tommy Wiseau en était capable. J'ai hurlé de rire à chacun de ses dialogues, tout sonnait faux, tout était merveilleusement mauvais à tel point que ce qui apparaissait comme des défauts évidents du cinéma, se révélaient être des qualités dans The Room.


De ce point de vue, les flous, le jeu d'acteur, le fond vert dégueulasse, les dialogues insipides, les scènes de baises interminables sont de véritables qualités dans ce film. Ce sont ces « erreurs » qui font la renommé de The Room, ces « erreurs » qui en font un film appréciable.


Rire de The Room, c'est comme se moquer d'un petit handicapé qui pète plus haut que son cul, c'est très méchant, je l'admet. On rit de The Room, car The Room est pitoyable, si mauvais qu'il attire inévitablement les regards vers soi.


Mais voilà, il y a une question que je me pose : ai-je réellement apprécié The Room ou est-ce que c'est la séance que j'ai aimé ?


Car même si je riais aux éclats de façon bien plus naturelle que notre Wiseau adorée, j'avoue qu'une certaine gêne s'est installée au fur et à mesure du film. Si The Room fait rire, il gêne aussi énormément.


Gêne absolue face à ces scènes de sexe interminables et recyclées. Gêne incroyable lorsque la mère de Lisa dit avoir le cancer, et que sa fille répond de la façon la moins convaincante du monde que tout ira bien. Gêne absolue lorsque Johnny demande à son meilleur pote, en public, qu'en est-il de sa vie sexuelle. Gêne absolue lorsque notre jeune Denny, si adorable, se fait voyeur lorsque Johnny et Lisa copulent. Gêne absolue lorsque Wiseau tente de nous délivrer un semblant d'émotion et qu'au final,il prouve que son seul talent, c'est de se ridiculiser.


En y réfléchissant davantage, une fois sorti de l'euphorie débile procurée par ce film, ça sonnait comme une évidence, The Room est un merde. Mais curieusement, une merde qui sent bon... mais une merde quand même.


En fait, ce qu'a réussi Tommy Wiseau, et c'est à vrai dire, la seule chose qu'il ait réussi, c'est rendre quelque chose de pourri, attractif. Il a réussi à offrir une œuvre qui peut se regarder de mille et une manières possibles. The Room peut se regarder au premier degré, à ce moment, le visionnage sera absolument interminable, les défauts seront insoutenables et on sortira du film traumatisé par une telle vision d'horreur. Mais si comme moi, on le regarde une bière à la main, se riant de toutes les absurdités dont a fait preuve Wiseau, regarder The Room peut être une expérience tout à fait agréable.


En fait, je vais vous dire ce que m'inspire véritablement The Room, et j'espère ne pas paraître méchant avec cette affirmation mais voilà... The Room me fait penser à une sitcom auquelle on aurait enlevé les rires enregistrés.


Sans déconner, tout se passe dans un lieu, un cadre aussi vide que mal utilisé, les acteurs ne sont aucunement naturels (et excusez-moi, mais c'est vraiment ce que je ressens devant une sitcom), ça ne se prend aucunement au sérieux et les enjeux sont quasiment inexistants.


Mais The Room me fait aussi penser à une pièce de théâtre. Sincèrement, si The Room était adapté en théâtre avec de bons dialogues et de bons acteurs, je suis presque sûr qu'on pourrait faire quelque chose de convaincant avec cette histoire. Les personnages entrent et sortent du décors comme dans un moulin, toutes les actions ont lieu dans ce endroit précis, bref, The Room, c'est un mix débile entre une sitcom et une pièce de théâtre. Un mix qui se veut être sérieux, mais Wiseau rate tellement tout ce qu'il entreprend que son film en devient stupidement drôle.


Alors quand on rajoute à ça une mise en scène inexistante ; des acteurs incroyablement pas convaincants ; un montage ignoble sans aucun rythme, incrustant de trop longs panoramiques sur San Fransisco sans aucune logique ni transition ; une musique aux allures dramatiques mais qui finalement, rend le tout encore plus ridicule, et l'accent de Tommy Wiseau juste sublime, ce film devient alors une expérience cinématographique unique, et rien que pour ça, il faut le voir.


Sérieusement, il faut le voir pour le croire tellement The Room est mauvais. Il dépasse toutes les espérances que je lui avait donné et me pousse à redéfinir ma façon de voir ce qu'est un mauvais film.


Le truc, c'est que même si The Room m'apparaît aujourd'hui comme le film le plus raté de l'histoire du cinéma, il n'est pas forcément le plus mauvais ni celui que je déteste le plus. A titre de comparaison, je déteste Batman et Robin pour mille et une raisons, je le hais du plus profond de mon cœur, alors qu'en soit, il réussi bien plus de choses que The Room. Sauf que The Room est si pathétique, si mauvais, qu'il transcende la médiocrité. Il est à ce jour, le seul film que j'ai vu, qui est si mauvais, si profondément nul qu'il arrive justement à devenir... un bon film.


Parce que justement, puis-je réellement dire que The Room est un mauvais film alors qu'il m'a fait vivre l'une des soirées les plus hilarantes de ma vie ? Bon, au final, je lui met 1 pour les raisons que tout le monde connaît, et puis mine de rien, il le mérite ; mais j'aurai toujours un regard bienveillant sur cet étron cinématographique et pour Tommy Wiseau. Car aussi dingue que cela puisse paraître, je suis juste devenu fan de ce mec.

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le 30 nov. 2018

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James-Betaman

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