Critique de The Sessions par Grimes

The Sessions est un film aimable. Peut-être un peu trop polie.

C'est un film humble qui à pour mérite principal de ne chercher aucune ostentation, aussi bien dans la mise en scène de son récit que dans l'interprétation des acteurs (magnifique John Hawkes, nouveau visage du cinéma indépendant américain face à l'inénarrable et discrète Helen Hunt). Le film s'ouvre sur des images d'archives présentant le protagoniste "réel" de l'histoire, Mark O'Brien, journaliste et poète atteint d'une polio l'astreignant à passer ses jours et ses nuits allongés sur une civière ou dans un caisson respiratoire depuis l'âge de 8 ans. On sent à cet instant poindre le spectre terrifiant d'Intouchable qui brandissait lui aussi la caution "inspiré d'une histoire vraie" en conclusion maladroite d'une fiction cynique et désincarné.

Heureusement, la première scène du film introduit avec douceur et une certaine poésie son personnage principal : un chat pénètre par la fenêtre dans l'appartement de Mark, escalade son caisson et lui chatouille le nez avec sa queue en en descendant. Le ton du film est donné dès cette séquence d'ouverture : pudique, humble, avec une petite dose d'humour. Le dilemme de Mark est exposé très vite : à 38 ans il n'a jamais, sinon de très loin, connu l'amour aussi bien sentimental que charnel, son handicap et sa foi religieuse comme freins à l'expression de ses désirs. C'est d'abord vers le nouveau prêtre de l'église qu'il se tourne (William H. Macy, parfait comme d'habitude) pour trouver des réponses à ses questions et la bénédiction de Dieu pour entreprendre son initiation sexuel.

Le personnage de Mark est loin d'être bigot : il annonce en voix-off au début du film qu'il "croit en un Dieu avec le sens de l'humour, un Dieu qui l'a créé à son image". Ainsi Mark distribue régulièrement de petites piques à son entourage et plaisante lui même sur son handicap, ce trait de caractère en faisant une figure libéré de tout misérabilisme outrancier. C'est véritablement avec l'apparition du personnage de Helen Hunt, une assistante sexuelle ayant acceptée de prendre en charge Mark afin de l'aider au cours de six sessions de travail à prendre conscience de son corps et de son potentiel sexuel, que l'enjeu principal du récit se révélera.

S'il est assurément émouvant et pertinent de mettre en scène l'éveil sentimental et sexuel d'un homme d'âge mûr atteint de handicap, et si la représentation impeccable et touchante qu'en donne les acteurs offre au film ses scènes les plus réussites, il est en revanche difficile de ne pas souligner les faiblesses d'une oeuvre qui pêche par excès de prudence. Car le réalisateur et les comédiens sont à ce point soucieux de tout prendre avec des pincettes, de se méfier du pathos et de ménager leurs effets qu'on à la sensation presque continue de passer à côté de l'émotion. Le besoin de s'en tenir aux faits réels et à l'exact déroulement des évènements empêche la dramatisation d'un récit qui aurait mérité un peu plus d'ampleur. Aussi lorsque la scène finale arrive on est gêné du fait qu'elle ne nous émeuve pas plus que les autres scènes du film, il s'agit d'ailleurs de la plus grande maladresse du réalisateur : opéré un saut dans le temps de plusieurs années, éludant ainsi une partie importante de la vie du personnage principal.

Je ne veux pas trop en dévoiler et vous inviter quand même à découvrir ce film, ne serait-ce que pour profiter du talent des acteurs principaux qui portent le film sur leurs épaules, ainsi que pour l'exposition de questions de société trop peu aborder au cinéma.
Grimes
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le 10 mars 2013

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