Larry Clark a toujours affirmé qu'il est un moraliste : il décrit les moeurs, en l’occurrence celles d'un groupe social qu'il affectionne particulièrement, les ados mal finis, déboussolés et sans repères, qui sombrent dans la drogue, le sexe et la prostitution, la violence et nagent dans le chaos moral. Au-delà de l'aura érotique qu'il leur trouve, il les investi d'une valeur d'emblème du monde contemporain. Ce sont des victimes d'une déshumanisation du monde qui est la toile de fond de ses films : désagrégation des rapports de générations, empire de l'argent et de la consommation, éclatement des cadres moraux.

The Smell of Us explore les mêmes thèmes sur un scénario un peu touffu, à partir de la dérive d'un groupe d'ado qui passent leur temps à faire du skate au Trocadéro, vaguement délinquants, qui se droguent, qui glandent, baisent entre eux et font les putes avec des vieux. Ils sont parfaitement inintéressants, d'une pauvreté intellectuelle et humaine abyssale. Comme toujours chez Clark, ils sont filmés en train de pisser, de baiser, de se droguer, de zoner. Le film s'intéresse plus particulièrement à deux d'entre eux, Math et JP, qui se prostituent, JP étant très amoureux de Math, sans réciprocité.
C'est probablement le film de LArry Clark qui où le jugement moral est le plus fort : cette jeunesse ne s'expose qu'à la déchéance et au néant. Le personnage du clochard (joué par Clark lui-même) qui hante la première partie du film est comme une sorte de double des ado, présageant leur avenir. Le suicide de JP figure également l'impasse dans laquelle ils se sont fourvoyés.

Malgré le sentiment que le film hésite entre le documentaire "arty" et la fiction, tant les fils du scénario se dispersent, on ne peut nier une certaine force descriptive d'une jeunesse contemporaine en déshérence, et c'est ce qu'il réussi de mieux depuis qu'il fait du cinéma. Plusieurs séquences sont répétitives ou irritantes (les scènes chez les vieux michetons avec les léchages de pieds interminables) et le filmage est un peu trop dans les gros effets esthétiques qui veulent faire chic (montage heurtés, gros plans, etc.) et dont la justification m'échappe.

Au final, The Smell of Us ne marque pas une évolution significative dans la filmographie du cinéaste, qui poursuit son exploration, en moraliste et parfois en sociologue, d'une catégorie de la jeunesse contemporaine.
Zitto
5
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le 24 janv. 2015

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Zitto

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