Un trip métaphysique gâché

Attention le film commence par un « long » voyage visuel et musical : une certaine idée du trip métaphysique qui vous fera voyager jusqu'à l'aube de notre planète et même celle de notre univers : le big bang cosmique. Pour résumer, ces plans peuvent être assimilés à des tableaux et on les regarde à la chaîne comme si on visitait un musée. Il arrive parfois qu'on soit subjugué par la force d'un plan mais malheureusement contrairement au musée, on ne peut s'y attarder.

Pourquoi « gâché » ? Car ce voyage depuis le début des temps passe un bref moment (une minute) chez les dinosaures et j'ai été choqué par la faiblesse des effets spéciaux, c'est à peine digne du documentaire se déroulant dans le jurassique et passant sur Arte. Alors qu'on nous proposait des images d'une beauté écrasante nous portant dans un voyage hors du commun, les dinosaures ratés nous font retomber sur terre en nous rappelant qu'il ne s'agit que d'un film. A tel point qu'un spectateur s'est marré et a quitté la salle. Si je pouvais m'adresser à Malick, je l'encouragerais à supprimer ce passage ou à le refaire surtout qu'il est assez optionnel même si on y voit un précurseur de ce qui va suivre.

Pour les spectateurs détestant ce genre de voyage façon trip LSD, je vous encourage tout de même à rester jusqu'au bout et à ne pas faire la bêtise de l'autre spectateur, ne serait-ce pour l'aventure humaine qui va suivre. De plus, si on est assez perplexe devant l'utilité de cet acheminement d'images donnant parfois une illusion de sans queue, ni tête, la fin du visionnage du film ne fait que confirmer son absolue nécessité. En effet, il permet de nous envelopper d'un sentiment d'onirisme renforçant les deux heures qui vont suivre.


Un drame envoûtant nous faisant ressentir un panel d'émotions varié

Une fois, l'aventure onirique terminée, le film s'intéresse à Jack. On y suit sa naissance, ses premiers émerveillements, ses premiers pas, ses premières jalousies (l'arrivée de son petit frère), ses premiers émois sexuels, ses premières réflexions sur le sens de la vie et de la mort. C'est un véritable voyage dans l'enfance qui nous est proposé, beaucoup de réalisateurs s'y sont essayés, beaucoup n'en sont pas revenus mais d'autres ont signés des chef d'œuvres. The Tree of Life fait partie de ces derniers.

Terrence Malick nous livre un portrait sans tabou de l'enfance. Pas de nostalgie sur-compensée, pas d'abrutissement de l'enfant (souvent réduit à un gosse ne pensant qu'à s'amuser avec ses copains). Le véritable tour de force est de nous livrer aussi certaines pensées de Jack parfois crues et dures mais toujours dans le vrai. On peut être parfois horrifié par la violence des enfants nous rappelant par moments d'autres films comme Le Ruban Blanc (pour rester dans le contexte de Cannes).

Chacun s'y retrouvera un peu en cet enfant, encore plus les grand frères ou grandes sœurs. Plusieurs fois lors du visionnage du film, j'ai eu des flash back de mon enfance avec mon petit frère. Peut-être que les cadets retrouveront des souvenirs de leurs aînés.

Le jeune Hunter McCracken joue d'une rare justesse capable de passer par toutes les émotions, du rire aux larmes, de la peur à l'obsession, un futur grand.


Une lutte œdipienne

On avait parlé de l'enfance du héros or dans chacune des enfances masculines, une lutte œdipienne surgit, une bataille entre le père et le fils pour la mère. Mais ici, il ne s'agit pas de n'importe quel père : un Brad Pitt méconnaissable. Il est un des acteurs les plus doués de notre génération, se renouvelant sans cesse alors que ses principaux concurrents ont calés, se contentant de rejouer les mêmes rôles (principalement Johnny Depp). Actuellement seul Leonardo DiCaprio peut rivaliser.

Ici, il signe un rôle de composition comme il commence à avoir l'habitude et rajoute à sa filmographie conséquente une autre œuvre majeure du cinéma contemporain. Il est loin le beau gosse idolâtré uniquement par les filles. Son rôle dans The Tree of Life l'a amené à s'enlaidir surtout via des lunettes cul de bouteilles mais cela n'efface aucunement son charisme animal. Il joue un père consumé par l'amour qu'il porte pour ses fils, un père qui les élève à la dure pour qu'ils réussissent dans la vie. Terrence Malick fait encore une fois mouche et des scènes resteront gravées dans votre mémoire.

Quand au conflit œdipien, il sera le symbole de moments très forts, de pensées horribles mais tellement vraies, que celui qui ne l'a jamais pensé me jette une pierre par commentaires.


Un final assez mièvre

Après un tel voyage, la fin approche et on veut à tout prix repousser l'échéance. Continuer à vivre avec Jack, à connaître le reste de sa vie. Mais là n'est pas le sujet du film. Il s'agit d'une histoire de deuil donc de vie et de mort malheureusement le final m'a beaucoup déçu à cause de ses artifices assez répétitifs :

Spoiler
Ça m'a saoulé de voir la mère embrasser son fils mille fois, le caresser mille fois. Tout le monde se caresse, tout le monde s'aime. Une fois, d'accord, deux fois passe encore mais dix fois d'affilée, ça devient lourd.


On sort du film avec une mélancolie très puissante, une certaine nostalgie de notre enfance mais aussi une certaine déception car le film a frôlé le chef d'œuvre absolu. L'heure suivant le visionnage du film, vous penserez à vos parents, à vos frères/sœurs, à vos sentiments que vous avez eu durant votre enfance, à vos premiers amours, à vos premiers conflits, à vos premières peurs, à l'histoire de votre vie...



Ce n'est pas le chef d'œuvre annoncé mais il n'en reste pas moins un excellent film de Terrence Malick sur l'histoire d'une vie, l'histoire d'un deuil.

Une mélancolie vous habitera après le visionnage de ce film : la marque des grands films. Dommage qu'il soit gâché par certains effets m'empêchant de lui la note maximale (je suis beaucoup plus sévère parce que c'est Terrence Malick).

Sa scène culte : l'étreinte du père et du fils.

Note : 8/10
Marvelll
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le 17 mai 2011

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