Musique lénifiante, visage féminin qui arbore un sourire béat. Quelques phrases pontifiantes en voix-off : d'un côté, il y a le chemin de la Nature (précisons que "Nature" en anglais peut signifier instinct, Malick ne méprise pas la nature au sens faune et flore, au contraire) et de l'autre celui de la Grâce. On doit choisir lequel suivre.
Par la suite, tout tend à ridiculiser les choix du père (opposés à ceux de la mère), personnage affectueux dans le fond, mais qui porte tout le long du film une pancarte "JE ME TROMPE DE VOIE", et qui finit d'ailleurs par se repentir.
Je remarque toutefois que la passivité de la mère, son absence de volonté de puissance, finissent par restreindre son pouvoir d'action jusqu'à la rendre incapable d'oeuvrer pour le bonheur de ceux qu'elle aime, incapable de contester les décisions du père, incapable de rendre ses fils heureux, incapable de les protéger (on ne saura jamais comment le fils est mort d'ailleurs), incapable de mener la moindre action politique dans un film qui dénonce pourtant par sa mise en scène les dérives de la modernisation.
Après qu'elle a appris la mort de son fils, la mère interroge Dieu. "Qui sommes nous pour toi ? Réponds moi !" Là, la musique explose, et l'on peut admirer de superbes images de notre univers (notamment de l'"oeil de Dieu").
Ensuite, donc, on voit du magma, de l'eau, ce qui peut rappeler le dualisme dont il est question dans le film, Nature et Grâce.
L'image avec un arc de cercle, de la fumée et toutes les couleurs de l'arc en ciel, montre une de ces sources chaudes volcaniques dans lesquelles on a trouvé des archées. Ensuite, il semblerait qu'on assiste à l'apparition de la vie : on voit une sorte de soupe primitive/primordiale dans laquelle baignent différents milieux réactifs cloisonnés, qui fusionnent de temps en temps. L'enchaînement de ces deux plans sous-entend la possibilité de la transition procaryote eucaryote par fusion archée bactérie.
"Qui sommes nous pour toi ?
- Rien, des organismes apparus par hasard."
Si les personnages susurrent pendant une bonne partie du film, s'ils s'adressent souvent à Dieu, si des symboles religieux sont disséminés ça et là, il n'est pas pour autant dit que Malick soit lui-même chrétien. En fait, il affirme lui-même qu'il ne se sent attaché à aucune religion en particulier. En revanche il semble à la recherche d'une certaine spiritualité. Il a aussi précisé qu'il croyait la science et la foi conciliables.
Comment expliquer la présence de toutes ces allusions bibliques ? Je crois qu'il veut conserver un certain héritage de la religion chrétienne, elle est pour lui une mère dont il s'émancipe mais dont il veille à garder les valeurs qu'elle lui a transmises.
Thématique de la mort :
Le film suggère plusieurs solutions pour combattre l'angoisse de la mort.
La première, celle de la mère : s'ouvrir au monde extérieur. Je mourrai, mais il y a tant de belles choses qui continueront d'exister. Ou pas : vers la fin du film, on voit une image du soleil qui brûle la Terre, évènement qui aura lieu dans plus d'un milliard d'années.
La deuxième, celle du père (la MAUVAISE, donc !) : modeler son fils à son image (ou plutôt faire de lui ce qu'il aurait rêvé d'être lui-même) pour continuer à exister à travers lui. Pas bien. Méchant père.
La troisième, celle du frère adulte (Sean Penn), croire que l'âme survit à la mort du corps (d'où les visions paradisiaques de la fin du film, près du mont saint-michel).
J'ai regretté qu'aucune quatrième solution qui consisterait à employer la science pour lutter contre la mort ne soit évoquée (au détour d'un dialogue ou d'une image).