Très tôt M. Night Shyamalan fut érigé en fils prodigue du 7ème art après son début de carrière très prometteur. Il ne mit pas très longtemps à imposer son style assez particulier à base de twists finaux ambitieux et inattendus, de drames familiaux plongés dans la tourmente et l'horreur de situations irrationnelles et aussi de grandiloquence. Le problème fut que Shyamalan finit par se reposer sur ces acquis, ne renouvelant plus son cinéma pour aboutir ses dernières années dans le grotesque perdant le soutien des spectateurs mais aussi perdant tout intérêts qualitatifs. Devant maintenant céder au impératifs des studios plus que par le passé, le cinéaste semble dans un puits sans fond dont il sera difficile dans sortir. Mais pourtant après un film totalement impersonnel (After Earth), il semble ici revenir à l'essence de son cinéma avec une oeuvre plus intimiste et proche de son style.


Le principal intérêt du scénario c'est de voir le regard que Shyamalan porte dessus, car il se sert de cette histoire assez classique au final pour faire une réflexion intéressante et assez drôle sur sa carrière. Parce que sur le plan narratif, le film est assez faible. La caractérisation des personnages est bien trop lourde, dès les premières minutes on sent que quelque chose ne va pas chez ces grands parents alors que le film aurait gagné à instaurer un aura de mystère. Ici jamais on ne se sent en sécurité donc même si la tension est constante, elle manque de force. Créer des zones de conforts pour le spectateur aurait permis de mieux le prendre par surprises et offrir des piques d'intensités. On ne sera donc jamais vraiment pris dans ce côté du récit, regardant l'ensemble sans jamais un frisson hormis lors d'un climax assez réussi. De plus l'aspect drame familial semble trop forcé au sein de l'histoire, les traumatismes des deux enfants suite au départ de leur figure paternelle tend à devenir caricaturale surtout pour la jeune fille qui est très sérieuse alors que le garçon apporte une touche d'humour et de candeur appréciable et salvatrice. L'humour est au final la vraie qualité du film et à travers ça Shyamalan porte un regard méta sur la totalité de son oeuvre et sur son propre style. L'ensemble est parcouru d'un second degré mesquin et parodique savoureux et bien vu notamment dans sa manière de géré le suspense. Shyamalan sait que les spectateur s'attendent à un twist final et il en joue habilement, lançant plusieurs pistes abracadabrantesques pour créer l'insécurité et jouer du ridicule de certaines situations. Ce qui est le plus drôle, c'est que ça marche. On pense à toute sorte de théorie et on parvient à se laisser surprendre par le twist final qui les prends à contre-pied. Ce n'est donc pas par l'horreur ou le drame que Shyamalan arrive à nous convaincre mais bien par la comédie, qui permet de faire un décalage jubilatoire entre l'étrangeté des grands parents et le besoin de rationalité des enfants. Un décalage qui explose dans un climax tendu et habile qui pose une réflexion glaçante sur la folie latente de l'homme et la nécessité de grandir. Dommage par contre que tout ça soit déjoué par une conclusion facile et très cliché.
C'est d'ailleurs ce que l'on peut aussi dire de la réalisation du film, c'est facile et très cliché. M. Night Shyamalan s'adonne au found footage pour sa mise en scène livrant son film le moins cinématographique sur le plan visuel, très peu d'idées et le résultat s'avère brouillon comme souvent avec ce procédé. Même si il s'évertue à créer des plans élaborés, cela est au final incohérent avec l'histoire, les protagonistes s'employant à bien cadrer lors des situations d'horreurs plutôt que de penser à leurs propres bien êtres. C'est quelque chose qui agacent au plus au point dans ce genre de film et ça n'apporte rien à part de faire des jump scares faciles et prévisibles. D'ailleurs ils sont ici assez faibles et ne donnent jamais de sursaut ou de sueurs froides. C'est très plat mais ça a au moins le mérite de rester assez posé et de ne pas donner la migraine.
Par contre le film peut quand même s'appuyer sur un casting impeccable. Peter McRobbie et Deanna Dunagan, qui incarnent les grands parents, arrivent vraiment à créer l'angoisse de par leurs étrangetés puis par leurs coups de folies. Ils sont excellents de bout en bout arrivant même parfois à susciter la sympathie face à leurs sénilités. Les deux adolescents ne sont pas en reste, même si Olivia DeJonge force un peu plus son jeu et peine parfois à convaincre, Ed Oxenbould est quant à lui excellent. Il brille par un naturel à toute épreuve et est très souvent l'atout comique du film. Un jeune acteur à suivre de très près.


En conclusion The Visit est un film relativement sympathique et efficace dans la mesure où l'on est friand de ce second degré qui le traverse et si on est sensible à la façon dont Shyamalan parodie son propre cinéma. Il faut donc avoir une certaine connaissance du cinéaste pour voir les meilleurs qualités du film car sans ça, on est face à un film d'horreur faiblard, qui peine à susciter l'effroi et se révèle platement filmé. C'est surtout une private joke en l'honneur de ses fans qu'offre le cinéaste et même si il ne renoue pas avec les qualités de son début de carrière, il offre assurément son meilleur film depuis 10 ans. Très perfectible donc, mais qui sait se faire apprécier.

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le 9 oct. 2015

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