Magnifique exemple d'un film mal vendu par sa jaquette : "une comédie déjantée" ? "Dingue et jouissif" ? Heu, on parle bien du film que j'ai vu ? Va falloir que je retravaille ma définition de comédie, même dans sa variante noire. Alors oui, The Voices propose une vision décalée du monde tel qu'il est vécu par son personnage principal, au point de virer parfois à l'humoristique, mais ce n'est là qu'un vernis qui ne cache pas bien longtemps la souffrance, voire l'horreur, de ce qui se trame réellement. Jerry est bien un paumé qui tente de survivre dans le monde normal, au prix d'une reconstruction pathologique de la réalité pour laisser tant que possible sous le tapis tout ce qui ne va pas, ce dans une fuite en avant sanglante qui n'accumule inéluctablement que plus de malheur.


Pourtant, le début du film n'était pas trop pour me plaire, me faisant craindre un énième sacrifice de la réalité clinique de la psychose au profit d'une pure approche cinématographique stigmatisante. Et si certains choix sont effectivement pensés pour ce médium (les hallucinations très construites sans délire associé, l'insertion conservée malgré la décompensation psychotique importante, l'efficacité immédiate et absolue du traitement), le ressenti émotionnel complexe du spectateur témoigne plutôt bien de la discordance et de la désorganisation psychique qu'engendre cette pathologie.
On perçoit ainsi le mal-être de Jerry et l'angoisse de sa situation malgré ce fameux vernis défensif (rose) qui résiste de moins en moins bien à l'épreuve de réalité que représentent les autres personnages, témoins de son incurie, de son déséquilibre affectif et finalement des conséquences destructrices. Car au-delà de la dimension meurtrière (même si elle peut être vue comme symbolique) qui pourrait alimenter la stigmatisation du fou dangereux, j'en retiendrai plutôt l'auto-dépréciation du personnage qui porte son histoire dramatique jusqu'à sa fin, ce qui est une réalité médicale trop fréquente.


The Voices est une tentative louable de traiter différemment la maladie mentale au cinéma, pour un résultat un peu bancal et bien difficile à classer dans un genre, ce qui explique l'embarras du service de comm' qui veut nous faire passer tout cela pour une simple comédie. Il n'y a qu'à voir la jaquette qui joue sur la tête semi-hilare du chat, image que nous ne verrons jamais dans le film.

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le 31 déc. 2016

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