Précédée de l’accueil chaleureux de Sundance et d’une presse dithyrambique la sortie de « The Witch » a tout pour susciter la curiosité. Phénomène qui s’accentue par l’intrigante bande annonce.
L’un des premiers temps forts du film tient à sa conception esthétique qui, bien que totalement épurée, est incroyablement complexe. Il en est ainsi du travail sur la lumière de Jarin Blaschke, souvent en latérale ou en contre-jour, les contrastes diurnes ou nocturnes sont accentués. A cela s’ajoute une palette de couleurs restreinte, le tout provoquant une angoisse permanente (isolement) et affichant une réalité sociale prégnante (désœuvrement, exclusion). Des effets remarquables qu’on pourrait assimiler à la peinture de genre du XVIIème siècle.


Tout aussi efficace et pertinent le choix des costumes de Linda Muir, ainsi que la conception des décors de Mary Kirkland et Craig Lathrop. Il n’y a pas que ces créatures maléfiques qui hantent le paysage, celle des frères Le Nain plus encore…


Mais, les plus belles dentelles ne font pas toujours les bonnes chemises ! Le fondement d’un film passe avant tout par un scénario accompli. Ici, il est un peu flottant (surtout sur la fin, attention spoiler !). Reprendre les chroniques de l’époque, pour se rapprocher de l’authenticité n’est pas un procédé original (je pense au film de Daniel Vigne, « Le retour de Martin guerre » qui présente d’ailleurs quelques similitudes avec « The Witch », ou encore à « Jeanne la Pucelle » de Rivette entre autre). Eggers se montre très appliqué en la matière et maitrise son sujet. Il faut quand même lui reprocher la fin. Alors que jusque là tout était dans la suggestion et le ressenti, le final est trop démonstratif et des plus convenu. D’où une déception de taille.


D’autant plus qu’il distille un message fort qui repose sur les excès du puritanisme et par conséquent des exactions intégristes qu’il provoque. L’humain ne sachant plus trop à quel diable se vouer ! Il décrie la crainte ridicule que l’on portait en ces temps révolus à la femme (ah… pourquoi eut-il fallu qu’Eve aime tant les pommes ?). Elle est alors source de forfaiture et de malignité. Le lapin choisit ici comme symbole en dit long. Animal lunaire, vivant au cœur de la terre, il est associé à la puissance de la fécondité. L’approche est habile.


Habile mais parfois pesante de quelques longueurs. Heureusement, les acteurs sont tous excellents et apportent toute la conviction nécessaire à ce drame qui se veut beaucoup plus anthropologique qu’horrifique.

Fritz_Langueur
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le 4 juil. 2016

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