Thelonious Monk : Straight, No Chaser par Claire Magenta

Coréalisatrice avec les frères Maysles du documentaire culte Gimme Shelter évoquant la tournée US des Rolling Stone en 1969, et en particulier le concert tragique à Altamont, soit le début de la fin des illusions hippie, Charlotte Zwerin est également connu des amateurs de jazz comme la réalisatrice d'un autre précieux documentaire musical, Thelonious Monk : Straight, No Chaser. Portait rare de ce génie du be-bop, le film doit beaucoup à Clint Eastwood, producteur exécutif, qui aida la paire Charlotte Zwerin / Bruce Ricker à terminer ce projet via sa société Malpaso Productions. Sorti la même année que la biographie de Charlie Parker, Bird, signée par Eastwood lui-même, Thelonious Monk : Straight, No Chaser, sous-titré du nom d'un des nombreux standards que composa le pianiste, invite le spectateur à découvrir plusieurs extraits de la tournée européenne de Monk de 1967, entrecoupés d'images d'archives et d'interviews de ses proches.


Considéré à juste titre par le jazz critique Martin Williams comme un des premiers compositeurs de jazz du 20ème siècle, et de pair un des plus influents, Thelonious Monk, bien que précurseurs du be-bop, attendit la fin des années 50 pour découvrir enfin le début d'une véritable reconnaissance publique et critique. A partir de Brilliant Corners (1957), celui qui débuta treize ans plus tôt aux côtés du saxophoniste Coleman Hawkins devient ainsi l'une des nouvelles figures marquantes du jazz ; son style unique, sa technique non conformiste et son écriture singulière en font un musicien à part, à la fois dans et en marge des révolutions musicales qui bousculent le jazz de ces années. Dans la foulée, les années 60 deviennent la décennie de sa consécration avec la signature sur la major Columbia, et la couverture du Time Magazine le 28 février 1964.


Principalement basé sur les séquences tournées par Christian Blackwood pour la télévision ouest-allemande, Thelonious Monk : Straight, No Chaser retrace le parcours du pianiste à travers plusieurs témoignages : Charlie Rouse, son plus fidèle saxophoniste, Bob Jones son road manager, Harry Colomby son agent ou comme son nom l'indique, son fils Thelonious Monk Jr. Il en découle le portait d'un homme indépendant, n'essayant pas de plaire au public, mais également quelqu'un de très renfermé, oscillant entre dépression et moments d'euphorie, et qui passa les dix dernières années de sa vie loin du jazz dans un état semi-schizophrénique. Géant musical à la tête fragile, l'homme ne manqua pas d'attention : son épouse Nellie qui veilla constamment sur lui, et son amie Nica de Koenigswarter, rencontrée à Paris un soir de 1954 par l'intermédiaire de la pianiste Mary Lou Williams, où il passa les dernières années de sa vie dans son appartement au New-Jersey.


Narré par Samuel E. Wright, interprète de Dizzy Gillespie dans Bird, le film n'est sans doute pas le documentaire le plus informatif sur la vie de Monk. Qu'importe, l'essentiel est dit et montré, de son génie au prémices de sa maladie. Thelonious Monk a l'avantage certain de faire la part belle à la musique, et de faire découvrir aux amateurs, comme aux néophytes, une grande partie de son répertoire (en concert en quartette et octette, ou en studio avec le producteur Teo Macero), ainsi que faire apparaitre une personnalité aussi attachante que supposée excentrique.


Thelonious Monk est mort le 17 février 1982.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2015/01/cronico-ristretto-thelonious-monk.html

Claire-Magenta
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le 29 janv. 2015

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Claire Magenta

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