Three
5
Three

Film de Johnnie To (2016)

THREE, le dernier film de Johnnie To, cache un projet de mise en scène qui se révèle dans une séquence finale d'échange de coups de feu (d'ailleurs le seul gunfight du film)
dantesque. Simulant un plan séquence de plusieurs longues minutes, la scène offre une vision inédite de la pesanteur, que ce soit le poids des corps ou des morales. Mais alors que le film établit longuement ses règles (multitude des personnages et des points de vue, antagonisme partout) et prépare à une explosion qui viendrait combler les brèches du récit et faire enfin sens, cette fameuse séquence d'action vient au contraire tout foutre en l'air, littéralement ! Incroyable perception cinétique qui fait coexister temps réel, temps accéléré et ralenti dans un seul et même plan. C'est assurément un moments forts, épique, mémorable. C'est l'une des plus belles scènes de démolition, que ce soit de décors, de personnage ou d'intrigue. C'est un acte de bravoure complètement malade, justement à sa place dans le milieu hospitalier.
C'est aussi un immense plaisir ludique, à l'image des derniers films de Del Toro et de Tarantino, où il s'agit moins de citer que de rendre hommage. On pense évidemment à Une balle dans la tête de John Woo, qui aurait pu en être le sous-titre (le sujet du film tourne autour de l'extraction ou non d'une balle depuis la boîte crânienne d'un bandit). On pense à "l'esthétique du gunfight" aussi. On pense également à Tsui Hark et son inventivité plastique. Bref, c'est une véritable "craniectomie" comme il en est question dans le film, mais une craniectomie que le réalisateur opère sur lui même, extrayant ses références, ses filiations, comme pour se définir, à l'image de la doctoresse dans le film (une des "Three" protagonistes) qui est étrangère de nationalité et qui révélera encore chercher sa place. Partout, des trous et des pansements sur les têtes où il est inscrit, au feutre: No bone. Pas de filtre, donc pour accéder directement à la mémoire vive du cinéaste.
Le film, plutôt que de faire sens, bouscule tout, fout tout en l'air de la plus belle des manières qui soit. Le semblant d'ordre qui en résulte (l'antagonisme se mue en autre chose, une sorte de complémentarité in extremis) et l'épilogue lugubre achèvent de donner à ce film l'allure d'une pathologie sévère et irrémédiable.
Irrécupérable, certes. Mais inoubliable.


sur le blog
sur youtube

Ravages_blog
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 9 sept. 2017

Critique lue 490 fois

1 j'aime

Ravages blog

Écrit par

Critique lue 490 fois

1

D'autres avis sur Three

Three
Ravages_blog
7

05-12-16 Three

THREE, le dernier film de Johnnie To, cache un projet de mise en scène qui se révèle dans une séquence finale d'échange de coups de feu (d'ailleurs le seul gunfight du film) dantesque. Simulant un...

le 9 sept. 2017

1 j'aime

Three
Lakahand
5

Assez mineur

Après sa comédie musicale Office (inédite) et l'excellent mais trop peu vu Drug War, Johnnie To revient une nouvelle fois au polar, mais en mode mineur, avec Three. Pur huis-clos hitchcockien dans sa...

le 6 mars 2018

Du même critique

Gaga: Five Foot Two
Ravages_blog
1

06-03-18 Five feet Two

Au moment de visionner Five feet two, le documentaire coproduit par Netflix et la chanteuse Lady Gaga sur elle-même, hasard de mon calendrier cinéphile, je viens juste de voir le film coréen A...

le 20 mars 2018

4 j'aime

JFK
Ravages_blog
3

#4 J'ai vu... JFK (1991-Oliver Stone)

Oliver Stone avait dit, au moment des attentats du 11 septembre, qu'il fallait qu'Hollywood s'empare immédiatement du sujet, de façon frontale et directe. Avec la mort de Kenney, on a compris que...

le 26 sept. 2017

3 j'aime

1

The Eyes of My Mother
Ravages_blog
1

15-01-17 The eyes of my mother

En deux plans, l'introduction de The Eyes of my mother met la barre haute: plan fixe mais "en mouvement", entrée en matière féroce du son, durée du plan proportionnelle à la naissance d'une intrigue,...

le 9 sept. 2017

3 j'aime

4