Une fable qui pourrait être plus mordante
"Tokyo Godfathers" reprend un ressort classique de comédie : un bébé abandonné est recueilli par trois personnes qu'a priori rien ne destine à pouponner. Elles en ressortiront grandies. Ici, il s'agit de trois clochards de Tokyo. Il y a un ancien père de famille un peu mytho et beaucoup soiffard ; une jeune fille qui a quitté sa maison après un drame familial ; un homo travelo assez cultivé, extravagant mais responsable. Ils trouvent le bébé dans la poubelle, et décident de partir à la recherche des parents sans l'aide de la police.
La ville est bien rendue, avec de nombreux plans sur les rues de Tokyo perpétuellement animées ; des parcs ; la banlieue ; des taudis ; le métro ; des maisons abandonnées ; un nightclub. Le scénario repose sur un grand nombre de coïncidences improbables : il est sous-entendu que c'est le bébé qui porte chance. Les visages sont expressifs, les scènes bien animées : elles ont probablement été jouées d'abord puis dessinées ensuite.
Le problème d'un film sur les clochards, c'est qu'il faut édulcorer pour le public, qui n'est pas composé de clodos. De vrais clodos, ces tubes digestifs privés d'intimité qui perdent la boule peu à peu, ne peuvent pas être montrés comme ça. Les personnages sont un peu conventionnels : l'homo est visiblement là pour faire rire, ce qui est parfois un peu horripilant. Il y a des allusions aux difficultés des clochards, notamment le passage à tabac par la jeunesse dorée, qui est bien vu, mais c'est dit sans appuyer. De même on aurait pu s'attendre à davantage de critique de la société de consommation ou des inégalités, mais le Japon fait plutôt machine arrière par rapport au message de certains films de Kurosawa. Entendons-nous : "Tokyo Godfathers" ne va pas jusqu'à faire du glamour avec les taudis, mais il ne s'interroge pas sur les causes de la pauvreté, il se contente de raconter une histoire.
Une comédie somme toute assez légère, qui aurait pu aller plus loin vu le sujet qu'elle s'est choisie.