La bourgeoisie face à la mort, Ozon face au vide.

De ce que j'ai pu voir de François Ozon, j'ai toujours apprécié ses films. Il allait souvent chercher dans les profondeurs des pensées humaines pour lancer un récit qui diffère très souvent selon ses histoires. Alors je ne comprends pas trop ce qu'il s'est passé dans celui-ci, mais non, tout ne se passe pas bien, en tout cas pas pour le spectateur.


Commençons par la mise en scène qui est un gouffre abyssal de vide. Hormis une séquence avec un gamin qui joue de la clarinette qui est un tantinet émouvante, le film n'exprime rien dans ses cadres, sa lumière et son montage. Tout est digne d'un téléfilm, sans aucune originalité. Les plans se suivent et se ressemblent dans une ambiance bancale qui ne sait jamais s'il faut donner de la tristesse, de la joie, ou de l'humour dans ses séquences. On a donc un montage banal, alternant entre séquences inutiles et plates, dans un mélodrame qui ne semble toucher que ses personnages. Ca transpire le réchauffé, même dans le jeu des comédiens, qui n'est pas mauvais, mais qui a du mal à nous émouvoir, tant l'histoire et le film en lui-même ne sont pas à la hauteur.


Le message est lui aussi très bancal. Je ne comprends pas ce qu'Ozon a voulu dire. Que l'on ne doit pas laisser le choix à un père vieillissant têtu ? Qu'on ne doit pas remettre en question ses décisions ? Si la question de l'euthanasie est un sujet tabou, mais qui peut être passionnant dans un film, il est extrêmement maladroit dans ce long-métrage ! Le personnage d'André Dussolier est un vieux bourgeois, dépressif, à qui ces filles n'ont jamais rien refusé, bien qu'il fut un mauvais père (sujet aussi intéressant d'ailleurs mais qui ne sera effleuré que par le biais de flashbacks inutiles) et décide de mourir par pur caprice. On est très loin de la douleur que peuvent ressentir certaines personnes demandant de mourir, on est très loin de l'intensité de ces moments, et très loin de l'empathie envers la famille, car tout repose sur le caprice d'un vieux con. Alors on essaie de le rendre touchant, drôle, mais ça cabotine et les scènes sont très souvent ridicules et tombent à l'eau. Difficile d'avoir de l'empathie pour ses filles aussi, à qui ça ne semble pas déranger de mettre 10 000€ pour le voyage en Suisse de leur père, mais bon, en même temps "on ne peut rien lui refuser." Sérieusement, je ne comprends pas le message. Je le trouve très amoral, ce qui n'est pas un défaut, j'aime quand mes valeurs sont mise à mal dans un film, mais on ne critique jamais ce qu'il se passe pendant l'intrigue. Même cette scène au commissariat est aliénante de bêtise.


La mise en scène de cette famille bourgeoise est froide au possible. Complètement décalée de la réalité, vivant dans des appartements immenses, passant leurs journées dans des bars et des expos de luxe.. Je ne sais pas si François Ozon voulait critiquer ce quotidien, mais je n'ai pas trouvé que la mise en scène effleurait quoique ce soit la critique de ce décalage. Nous ne sommes donc jamais en empathie car on a jamais l'impression qu'ils vivent des moments difficiles. C'est plat, et sans aucune intention de mise en scène. Les films d'Ozon ont pourtant une personnalité forte, parfois même en total décalage entre le réel et l'onirisme. C'est ce qu'il a voulu montrer peut-être ? En filmant le bourgeois face à la mort ? Je n'en ai pas l'impression.


Je retiendrai quelques moments de grâce, mais qui sont écrasés par cette histoire lourde, sans aucun rebondissement, aucune remise en question, et aucune intensité. C'est très dommage car le casting était bon et le sujet très intéressant.

Guimzee
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Cinéma 2021

Créée

le 5 oct. 2021

Critique lue 506 fois

1 j'aime

Guimzee

Écrit par

Critique lue 506 fois

1

D'autres avis sur Tout s'est bien passé

Tout s'est bien passé
Plume231
2

Fin de vie pour Ozon !

On ne peut pas dire que François Ozon aborde un sujet facile, souvent évoqué, dont la société aime bien parler, à savoir l'euthanasie,en conséquence le droit de mourir dans la dignité, quand on sent...

le 23 sept. 2021

26 j'aime

10

Tout s'est bien passé
Incal
1

Mais qui a euthanasié François Ozon ?

Avec le temps, on pense qu'on s'apaise et que les mauvais films nous irritent moins... Pourtant, certains viennent nous tirer de notre torpeur raisonnable (de façade) pour nous faire bondir et hurler...

le 23 juil. 2021

12 j'aime

1

Tout s'est bien passé
Fêtons_le_cinéma
4

Pour plaire à tout le monde

Ce qu’il y a d’original dans Tout s’est bien passé, à savoir sa tonalité oscillant en permanence entre le drame et la comédie, est aussi ce qui le dessert le plus : la dérision qu’injecte le...

le 15 sept. 2021

7 j'aime

1

Du même critique

Le Règne animal
Guimzee
4

Le Vide

Encore un engouement que j'ai beaucoup de mal à comprendre. Le Règne Animal a beau avoir un concept original et rare dans le paysage du cinéma français, il ne fait rien de particulièrement...

le 5 oct. 2023

201 j'aime

33

Le Visiteur du futur
Guimzee
3

"Owi c'est beau les flares"

La web-série d'origine, que j'ai découvert tardivement, avait le mérite d'avoir du charme dans sa première saison. Déjà, l'amateurisme technique n'empêchait pas François Descraques de trouver des...

le 7 sept. 2022

61 j'aime

4

Je verrai toujours vos visages
Guimzee
4

Théâtre de comédiens

Je ne comprends pas du tout l'engouement autour de ce film qui réussit l'exploit d'être très contradictoire entre son propos et la manière dont il est mis en scène. Je verrai toujours vos visages a...

le 4 avr. 2023

58 j'aime

10