Dès son ouverture, Tout simplement noir surprend par son aspect très proche du réel. Un faux montage de télévision nous présente Jean-Pascal Zadi, un vidéaste humoristique engagé qui souhaite organiser une grande marche de contestation noire. On reconnaît quelques visages quotidiens dont la simple présence parvient à ancrer le film dans notre réalité et à captiver l’attention du spectateur. Le parti-pris du faux documentaire est très réussi dans un premier temps, avant de laisser place à quelques facilités de réalisation pourtant facilement évitables, comme par exemple la présence d’une seconde caméra qui n’est jamais justifiée, ou de champs / contre-champs trahissant indéniablement son aspect fictionnel. Une fois ces quelques maladresses exposées, le film commence à faire défiler sa galerie de personnages hauts en couleurs. Bonne surprise sur ce point, les acteurs sont crédibles en toute circonstance, et leur jeu - voire leur “surjeu” - ne nous rappelle jamais que l’on regarde un faux documentaire.


En plus de sa forme audacieuse, Tout simplement noir est évidemment un film de fond. Jean-Pascal Zadi montre une communauté noire divisée en tout point, incapable de s’entendre sur des questions pourtant fondamentales, comme par exemple “qui est noir et qui ne l’est pas ?” Ce n’est que le début d’une longue série de discordes autour de nombreux concepts comme la mixité, l’intersectionnalité ou le symbole d’une date. A travers ces discussions, c’est le concept même de communauté que le réalisateur interroge. Peut-on encore parler de communauté quand personne ne s’entend sur rien, les points de vue s’opposent et les intérêts divergent ?


Malheureusement, cette vision n’est jamais renouvelée, la faute à une structure tellement répétitive que l’on pourrait monter les séquences dans n’importe quel ordre. Le potentiel comique en prend également un coup, puisqu’on a l’impression d’assister sans cesse à la même scène : rencontre avec une personnalité, maladresse d’un personnage, conflit parsemé de regards-caméra gênés, dispute. Passée la surprise des premières dizaines de minutes, on ne rit pas beaucoup devant Tout simplement noir tant les procédés comiques se répètent. De plus, le personnage principal est parfois un peu superficiel à cause de quelques problèmes d’écriture, notamment sur le fait qu’il souhaite dans un premier temps exclure les femmes noires de sa lutte. Il crée néanmoins un bon duo avec l’humoriste Fary, qui incarne son rôle de figure médiatique opportuniste à la perfection, preuve d’une très belle autodérision de la part du comédien.


Le film se termine sur une note fédératrice, encourageant les spectateurs à s’assembler en mixité pour manifester contre les injustices. Certains pourraient se moquer de la naïveté bien-pensante de la conclusion, mais il s’agit de la vision du réalisateur, que l’on n’oserait ranger dans une case réductrice sous peine de rentrer dans les travers qu’il dénonce. De plus, l’existence même du film est une conclusion au problème posé : les visions sont certes multiples, mais il est possible de se fédérer autour d’un projet précis, révélateur d’un point de vue. En ce sens, Tout simplement noir est d’une indéniable maturité. Dommage qu’il soit si répétitif.


Site d'origine : Ciné-vrai

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le 29 sept. 2020

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