Toy Story 4
7.1
Toy Story 4

Long-métrage d'animation de Josh Cooley (2019)

L’art de remuer la cuichette dans la plaie

Après séance (vu le 02 juillet 2019)


Au panthéon des cassettes d’enfance les plus usées, celle de Toy Story tient une place de choix. J’ai été fasciné par ces personnages et comme beaucoup d’autres enfants, j’ai ensuite regardé différemment mes figurines Sangoku et autres Tortues Ninja aux bras rotatifs… Un peu plus tard, Toy Story 2 transformait l’essai en installant définitivement les deux thèmes centraux de la saga : la raison d’être et l’amitié. Mais en 1999, j’avais sept ans et je n’avais pas totalement saisi cette lecture, les films Pixar brillant par leur capacité à s’adresser à la fois aux publics jeune et moins jeune.


C’est près de vingt ans plus tard que j’ai maté Toy Story 3, et que je me suis pris la profondeur de ce message en pleine poire comme on prend un 360 spinning kick de Jean-Claude Van Damme. La beauté de ce troisième opus, aussi bien scénaristique que visuelle, couplée à la nostalgie de fin d’une ère, a indéniablement fendu ma carapace vulcaine.


C’est arrivé sans prévenir, faut dire que je n’accordais que peu de crédit à ce troisième film. Les dix années écoulées entre Toy Story 2 et Toy Story 3, les changements de réalisateur et de scénaristes me laissaient par principe dubitatif. C’est finalement des années après sa sortie que je suis tombé dessus au hasard des zapages télé et que j’ai fini les lunettes embuées de larmes.


Après cette grandiose « fin » de saga que j’avais mal considérée à tort pendant des années, j’ai été consterné à l’annonce d’un Toy Story 4. Avant même de connaitre le projet, de savoir s’il s’agissait d’un bon film ou non, d’une suite de trop ou non, son existence même gâchait le parfait dénouement proposé dans Toy Story 3 (qui n’en était plus un, du coup). Qu’est-ce que Pixar avait de si intéressant à proposer pour ré-ouvrir la saga Toy Story franchement close après le troisième opus ? Après les balec Cars 2 et Cars 3, le décevant Monstres Academy, l’oubliable Monde de Dory et le piètre Indestructibles 2, l’appel du billet vert était-il si fort pour oser reprendre la seule saga digne d’intérêt de la firme de Luxo ? C’est donc avec une volonté affirmée de détester Toy Story 4, pour ce qu’il représente et pour son impact sur les précédents films, que je suis entré dans la salle obscure…


… et c’est avec la banane et les yeux rougis que j’en suis sorti. DAMN IT !



SUR LE FOND : 8 étoiles



Woody, Buzz et leurs compagnons sont donc les jouets de Bonnie depuis qu’Andy use les bancs de la fac. Bonnie aussi fait sa rentrée, mais à la petite section de maternelle. Elle y fabrique un « jouet » à partir de détritus récupérés dans une poubelle : Fourchette. Partagé entre l’accomplissement de son destin de déchet et sa nouvelle condition de jouet, Fourchette va transformer la paisible semaine en camping-car en aventure pleine de rebondissements. Mais heureusement, il est davantage un personnage prétexte déclenchant le scénario qu’un réel protagoniste. Les vingt premières minutes de Toy Story 4 sont vraiment axées sur lui et c’est déjà plus que ce qu’il en faut pour en faire le tour. Il entre pourtant en plein dans le thème principal de toute la saga : la raison d’être.



Being there for a child is the most noble thing a toy can do.



Dans Toy Story, Buzz est persuadé d’être un réel ranger de l’espace et ne pense qu’à remplir sa mission pour Star Command avant qu’une publicité ne le ramène à la réalité. Dans Toy Story 2, la raison d’être du jouet (rendre un enfant heureux) est remise en cause par les autres produits dérivés Western Woody qui aspirent à être exposés dans un musée. Avec Toy Story 3, cette fonction fondamentale est même placée au-delà de l’identité de l’enfant. Tout est un cycle et lorsqu’un gosse se lasse ou grandit, le jouet conserve sa raison d’être auprès d’un autre enfant. Une fois n’est pas coutume dans Toy Story 4, cette quête philosophique du sens de l’existence est au centre de l’intrigue et est d’abord amenée par le personnage de Fourchette. Il est un déchet obnubilé par sa raison d’être : finir à la poubelle. Et globalement, toute l’intrigue et tous les personnages sont liés à cette thématique : Gabby Gabby prête à tout pour vivre sa destinée, Ducky et Bunny qui attendent leur tour à la fête foraine, la bergère Bo Peep qui au contraire profite de sa nouvelle liberté, et bien sûr Woody en plein questionnement.


Il y a d’ailleurs dans le choix final de Woody, une remise en cause totale de tout ce qu’il a tenté de protéger au sein des trois films précédents… Même si on frôle l’incohérence, c’est un choix intéressant et compréhensible pour un personnage en quête de renouveau face à une routine devenue dépressive.


Personnage iconique de la saga, Woody a muri dans Toy Story 4. De la même manière qu’il avait perdu sa place de jouet préféré d’Andy à l’arrivé de Buzz l’Eclair, il est ici relégué au placard depuis plusieurs semaines. Malgré ces difficultés, Woody reste loyal et s’accroche à sa « mission », essentiellement par peur de l’inconnu. Les autres personnages historiques de la saga sont clairement au second plan. On ne voit que très brièvement Jessie, Rex, Zig-Zag ou M. Patate, et Buzz n’est globalement qu’un comic relief un peu idiot.


Évidemment, la révélation de ce Toy Story 4 est la bergère Bo Peep. Secondaire dans les deux premiers films, la bergère avait été complétement absente de Toy Story 3. D’ailleurs, l’analepse en début de film a le mérite d’expliquer cette absence, tout en apportant des éléments de contexte pour la suite. J’ai d’abord crains une réécriture de Toy Story 3, mais cela se cantonne finalement au simple flashback, le premier de la saga. Bo Peep est clairement le personnage le plus important et le mieux développé de ce Toy Story 4 (avec Gabby Gabby), ce n’est pas pour rien que le nom de code du film était Peep. Libérée de sa robe crinoline et de son chapeau de bergère, Bo Peep symbolise la femme émancipée, indépendante et forte. Un classique de notre époque. C’est un autre message « progressiste » (lisez « normal » si vous n’êtes pas écervelé), celui des deux mamans à la maternelle, qui n’a pas manqué de créer son début de polémique…


Comme chaque Toy Story, ce film apporte son lot de nouveaux personnages pour la plupart bien réussis. Gabby Gabby est une antagoniste intéressante, à l’antipode de Losto dans Toy Story 3. Elle refroidit instantanément l’ambiance lorsqu’elle apparait avec ses sbires tout droit sortis d’un film d’horreur entre Chair de poule et Shinning. Duke Caboom est la trouvaille la plus fun de ce Toy Story 4 et illustre l’apport protéiné en humour sur ce dernier opus. Sa taille, son aspect rappelant les marionnettes de Robot Chicken et évidemment l’accent à couper au couteau de Marc Arnaud, les scènes de Duke Caboom sont probablement celles où j’ai le plus ri (avec le troisième commando qui se tape des vents…).



Let’s Caboom !



Tous ces personnages servent une intrigue intéressante, pleine de rebondissements et centrée sur les émotions comme les tous les films précédents. Respectant totalement le cahier des charges de la saga, Toy Story 4 emprunte les codes du film de braquage, du buddy movie et du film de sauvetage. Il apporte néanmoins son lot de nouveauté avec ce fond de comédie romantique grâce au retour de la bergère Bo Peep. Autre classique de la saga : la pléthore de références aux films Pixar et au cinéma en général. Allant de la musique Midnight, the Stars and You (clôturant Shining) au rappel des nuages du tout premier Toy Story, le film regorge d’easter eggs, bien aidé par son lieu principal. Quoi de mieux qu’une boutique d’antiquités pour y glisser quelques curiosités. Entre autres, la canne de Carl Fredricksen de Là-haut, la guitare d’Ernesto de la Cruz de Coco, le masque de plongée de Nemo… Nous pourrions mettre pause au pif et trouver au minimum cinq easter eggs, quel que soit le plan. A noter qu’on aperçoit également Boo dans la salle de classe de Bonnie, confirmant un peu plus la Grande théorie Pixar.


Bref, sur le fond, pour une suite que je n’attendais pas (que je ne souhaitais pas même), il y a assez peu à redire. Même si Toy Story 4 a forcément ce côté fin-bis, en rejouant d’ailleurs sur les mêmes ressorts émotionnels (la nostalgie et les chemins qui se séparent), je ne peux que reconnaitre la grande créativité de Pixar. C’est assez frustrant, j’aurais aimé pouvoir rager sur ce projet qui, faut l’avouer, a un petit arrière-gout de pompe à fric. Peut-être que visuellement, c’est dégueulasse ?



SUR LA FORME : 7,5 étoiles



Eh bien non ! Toy Story 4 est autant un beau film qu’il est un film beau (à moins que cela soit l’inverse ?). Impossible de jouer le surpris, on parle tout de même de Pixar, le studio d’animation aux 19 Oscars, 4 Golden Globes et 3 Grammy… Il y avait tout de même eu quelques petits signes préoccupants. La date du film a notamment été repoussée à deux reprises, décalant la sortie de plus de deux ans et laissant Les Indestructibles 2 sortir avant lui. Et puis, une toute nouvelle équipe a été dépêchée sur ce projet : nouveaux producteurs, nouveaux scénaristes, nouveaux monteurs et surtout nouveau réalisateur. C’est effectivement l’inexpérimenté Josh Cooley qui réalise ici, avec une enveloppe de 200 millions de dollars, son tout premier long métrage. C’est toutefois un collaborateur récurrent de Pixar, pour qui il signe des story-boards et scénarios depuis 2004 (Les Indestructibles, Cars, Ratatouille, Là-haut, Vice-Versa). Le choix de confier la saga emblématique de la firme à un « novice » ne relève pas que de la stratégie pleinement réfléchie, mais intervient notamment à la suite des accusations de harcèlements sexuels contre John Lasseter, papa de la saga, réalisateur de ses deux premiers opus, et prévu initialement à la coréalisation.


Ça ne partait donc pas forcément sous les meilleurs auspices, surtout qu’on parle ici d’une saga de records ! Toy Story est le tout premier long métrage réalisé entièrement en images de synthèse. Outre la performance technique, le film a surtout été en tête du box-office en 1995, générant plus de recettes que Batman Forever ou Apollo 13. Toy Story 2 a, lui-aussi, tout explosé en dépassant Matrix aux US et en remportant le Golden Globes du meilleur film musical ou comédie (tout genre confondu). Clairement, ça tapait déjà dans du très lourd, mais Toy Story 3 est vraiment parti vers l’infini et au-delà. Véritable carton, le troisième opus a doublé les recettes mondiales, atteignant son petit milliard, et a obtenu le triplé Oscar-Golden Globes-BAFTA dans les catégorie films d’animation. Il y avait donc de quoi avoir une petite pression pour la sortie de Toy Story 4, mais celui-ci prend finalement le même chemin que son prédécesseur !


Faut dire que visuellement, Toy Story 4 est un petit bijou. La lumière très théâtrale, l’incroyable profondeur de champ, les textures… Dès les premières affiches, nous pouvions nous rendre compte du niveau de détails à chaque image. Évidemment, les performances techniques ont évoluées depuis la sortie en 1995 de Toy Story, mais les studios Pixar ont vraiment réussi à améliorer les visuels tout en gardant une cohérence avec l’univers. L’équilibre entre fun et réalisme est parfait. Le chat de l’antiquaire par exemple est hallucinant, à des années-lumière de Scud dans Toy Story, et encore plus crédible que Goose dans Captain Marvel ! Le flashback en scène d’ouverture est également ahurissant. Le plan nocturne de la maison sous les trombes d’eau est d’un niveau de réalisme proche de la prise de vue réelle !


Il n’y a vraiment pas grand-chose à redire, la réalisation est triplement efficace. Efficace dans la compréhension de la scène pour le spectateur et ce, même dans des lieux alambiqués comme les rayons en labyrinthe de l’antiquaire. Efficace sur sa cohérence car Toy Story 4 adopte, comme ses prédécesseurs, le point de vue des jouets. C’est donc « filmé » à leur hauteur et de nombreux éléments sont là pour nous le rappeler. Efficace enfin sur le plan des émotions et là, il n’y a qu’à regarder le plan circulaire durant le générique de début reprenant en fondu le parcours de Woody de la main d’Andy à celle de Bonnie pour avoir les poils hérissés et les yeux humides.



To Infinity… And beyond…



Une fois n’est pas coutume, la musique de ce Toy Story 4 est également un vecteur émotionnel fort et installe une ambiance particulière, typique de la saga. Et pour cause, on retrouve les compositions et l’accent sudiste de Randy Newman qui officiait déjà sur les trois premiers opus. La réorchestration de thèmes bien connus comme You’ve got a friend in me (que je siflote encore deux semaines plus tard) mais également de nouveaux morceaux tels que la belle et nostalgique Ballad of the lonesome cowboy ou I can’t let you throw yourself away, un poil en-dessous. Quoi qu’il en soit, on retrouve bien ce son folk / soft rock à la fois en VO mais également en VF, toujours avec l’artiste nancéen Charlélie Couture.


Le doublage est lui-aussi très bon, là encore entre nouveauté et continuité. On retrouve bien évidemment les irremplaçables Jean-Philippe Puymartin et Richard Darbois dans les rôles de Woody et Buzz (Tom Hanks et Tim Allen en VO). Globalement, les nouvelles voix sont très bonnes également. Pierre Niney et Angèle s’en sortent très bien en Fourchette et Gabby Gabby (Tony Hale et Christina Hendricks en VO), et l’accent de Marc Arnaud colle parfaitement au personnage de Duke Caboom (Keanu « God » Reeves en VO). Par contre, je n’ai pas été séduit par le doublage de Jamel Debbouze et Franck Gastambide en Ducky et Bunny. Heureusement, nous avons évité les autoréférences gênantes mais ça n’a pas la même classe que le duo comique Key & Peele aux US. Quitte à prendre Gastambide, autant reformer les Kaïra avec Medi Sadoun


La trilogie Toy Story n’est plus, place à la tétralogie (pour l’instant).


Bonus acteur : NON


Malus acteur : NON



NOTE TOTALE : 8 étoiles


Créée

le 18 juil. 2019

Critique lue 177 fois

Spockyface

Écrit par

Critique lue 177 fois

D'autres avis sur Toy Story 4

Toy Story 4
Sergent_Pepper
8

Waste Side Story

Audacieuse posture que celle de Pixar à l’égard de Toy Story, 1er long métrage d’animation de la maison devenu mascotte à maturation lente, puisque 20 séparent les numéros 2 et 4 de la saga. Alors...

le 1 juil. 2019

113 j'aime

5

Toy Story 4
AngelDeLaMuerte
5

Largué par mon jouet préféré ? Il faut sauver le soldat Fourchette.

Pourquoi j’attribue la note de 5 ? —> JE PEUX TOUT EXPLIQUER, RANGEZ LES KALACHNIKOVS. Je sors de Toy Story 4 après un revisionnage du 3. Ce Toy Story 3 qui nous avait été annoncé comme la...

le 27 juin 2019

84 j'aime

14

Toy Story 4
Tonto
9

En fin de conte

De plus en plus délaissé par Bonnie, Woody se trouve une autre mission pour continuer à être utile : veiller sur Fourchette, un jouet créé de toutes pièces par Bonnie à partir d’une fourchette en...

le 23 juin 2019

73 j'aime

8

Du même critique

La Fête des mères
Spockyface
1

Vraiment les mères à boire...

APRÈS SÉANCE Projeté en séance mystère dans le cadre du label spectateurs UGC°, ce téléfilm bas de gamme a été un calvaire du début à la fin de la fin (parce que la fin dure environ dix minutes...

le 17 avr. 2018

8 j'aime

8

Parasite
Spockyface
8

Les Tuche marxistes de Séoul

Après séance (vu le 12 juin 2019)Bong Joon-ho n’est pas rancunier. Deux ans après avoir connu les huées, sifflets et autres « incidents techniques » lors de la projection cannoise d’Okja, le...

le 19 févr. 2023

3 j'aime

3

The Gentlemen
Spockyface
8

Arnaques, crimes et britanniques

Après séance – Vu le 15/02/2020 (J11) Pour être honnête, je suis allé voir The Gentlemen sans grande attente. J’ai pris connaissance du projet à sa sortie en salle, la bande annonce ne m’a que...

le 1 mars 2020

2 j'aime

1