• Revu en juin 2014 :
Danny Boyle est un metteur en scène hors pair et le prouve encore une fois avec Trance, où il touche à un genre différent pour mieux le transformer et surprendre. D'un simple film de casse, il en fait ainsi une romance dramatique, et un film sur l'esprit. Depuis Inception, ce contexte scénaristique est redevenu prisé au cinéma. Et Trance a profité de la tendance puisque si l'intrigue se veut assez complexe dans un premier temps, on se rend vite compte qu'elle se complique juste par intérêt, et les explications entières sont finalement données sur le dernier acte. Trance reste un film prenant, qui change du film de bandit classique, avec tout son charme britannique et ses accents trash typiques. La réalisation est esthétique, superbement harmonisée avec la bande-son envoûtante de Rick Smith. Danny Boyle et Dod Mantle expérimentent encore une fois avec la photo lumineuse, aux couleurs pétillantes et chaleureuses, et des compositions de plans variées, pour construire une œuvre résolument Pop et aérienne.

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• Critique du 10 mai 2013 :
Surtout (re)connu pour Trainspotting et Slumdog Millionnaire, Danny Boyle m'a immédiatement conquis, moi et mon adoration pour la science-fiction, avec le brillant Sunshine, et l'apocalyptique 28 Jours Plus Tard. Cela sans oublier, bien sûr, les jolies réussites que sont Petits Meurtres Entre Amis, La Plage, 127 Heures et la consécration de son talent lorsqu'il a été choisi pour diriger la Cérémonie d'Ouverture des Jeux Olympiques d'Été de 2012. C'est indéniable, Mr. Boyle est un réalisateur hors pair, et son éclectisme des genres cinématographiques (policier, comédie, thriller, drame, science-fiction, horreur...) n'a d'égal que sa passion débordante pour le cinéma. Si ses films ont rarement été des hits commerciaux, ils ont tous bénéficié de la même vision artistique inouïe, reconnaissable entre mille et propre au Britannique.

Trance ne déroge aucunement à la règle. Si Boyle touche à tout, il en ressort néanmoins un thème commun à l'ensemble de ses films. Celui d'une personne face à des évènements impossibles et qui cherche à les surmonter. C'est ce qui arrive à Simon (James McAvoy), pivot central d'un braquage qui oublie malheureusement où il a caché le tableau qui devait être volé. Il va alors subir moult péripéties réelles et mentales pour recouvrer la mémoire et découvrir qu'il y a bien plus derrière son amnésie partielle qu'une simple toile dissimulée. Ou cela peut aussi bien être l'histoire d'Elizabeth (Rosario Dawson) qui sert d’hypnothérapeute à Simon pour l'aider à se souvenir et finit par prendre part à l'ensemble de l'aventure, si ce n'est en tirer les ficelles. Ou bien, est-ce le récit de Franck (Vincent Cassel), collègue crapuleux et pseudo-mafieux businessman qui a monté le coup avec Simon et tente de découvrir le fin mot de l'histoire, étant trimballé d'une péripétie rocambolesque à l'autre, tout en sentant la situation lui échapper petit-à-petit des mains. Comme dans le premier film de Boyle, on suit chacune des facettes de ce trio, sans vraiment savoir, au final, lequel mérite le plus notre attention - si ce n'est par les décisions du réalisateur.

Danny Boyle aime ce qu'il fait et, depuis ses débuts, le seul réel désir qu'il insuffle en ses films est d'hypnotiser son public. Sans conteste, le tour marche à chaque fois. Car son montage est d'orfèvre, tout comme sa réalisation. Le film est dynamique, jamais ne s'essouffle, et découle adéquatement du scénario, riche en surprises, rebondissements et révélations. Plus les minutes passent, plus le long-métrage avale différentes strates scénaristiques et s'enfonce dans une spirale de narration fascinante que Boyle monte à merveille, créant et enchaînant ses plans de façon visionnaire. Sa mise en scène est excellente, capturant adroitement les états d'esprits de chaque acteur du trio central, et les extrapolant dans la prise de vue globale, tout en conservant cet aspect de "petit film indépendant" qui apporte un charme certain au long-métrage. Un travail soigné et rendu enivrant, surtout quand l'histoire tourne autour de la mémoire, et est sujette à quelques intrusions dans les esprits de nos protagonistes, si bien que réalité et imaginaire sont par moments indissociables. Par ailleurs, Anthony Dod Mantle, œil maître de Boyle depuis son excursion chez les zombies, rempile avec une photographie succulente, haute en couleurs popisées. En outre, à l'image de l'affiche et son découpage en tons bleus et orangés délavés, Trance emprunte plusieurs fois ce chemin avec l'usage de filtres et un esthétisme particulier sur certaines scènes qui transcendent vraiment l'aspect graphique, jouant avec les ombres, les objets, les formes, les perspectives ; ce qui amène des allures rétro et de film noir, au milieu de séquences plus "pétantes".

Et pour vraiment parfaire l'attraction subjuguante de sa pièce, Boyle revêt d'associations entre la musique et l'image sublimes dont lui seul a le secret. C'est vraiment tout un art chez lui. Ses œuvres exposent toujours un montage parfait et une symbiose cinématographique rare. Il faut dire qu'au fil des ans il a su s'entourer des compositeurs les plus éminents, dont A. R. Rahman, mais surtout John Murphy et le groupe Underworld. C'en est d'ailleurs le claviériste fondateur, Rick Smith, qui est originaire de la bande-son de Trance. Le musicien crée des fresques ambiantes envoûtantes, intenses et/ou oppressantes, tout en affichant un usage de beats dynamiques et parfaitement orchestrés sur les séquences du film. Quelques morceaux plus Electro/Dance (Moby, Unkle, M People) sont également de la partie pour donner cette tournure plus moderne, tout en étant populaire, propre à la patte créative du réalisateur. Cette association son/visuel atteint clairement des climax transcendants, comme à l'accoutumée chez Boyle, et fait parfois penser à cette même dimension artistique que possédait Spring Breakers, ou même Drive.

D'ailleurs, vis-à-vis de ces derniers, on retrouve par moments ces explosions d'agressivité brute au sein d'un enrobage plutôt jolie. Ce genre de violence très britannique, comme on a pu apprécier à travers des séries comme Misfits et Utopia, pour ne citer que celles-là. À travers Trance, le réalisateur met en place un Thriller psychologique, mais pas que, il explore plutôt différents sous-genres, démarrant comme un simple film de braquage, puis partant plus sur un côté criminel à la Guy Ritchie, glanant ensuite une part de mystère, de romance, de manipulation, façon film noir, pour se poursuivre vers des extrêmes touchant à l'horreur, au fantastique, de brèves secondes, et quelques exagérations, le tout avec un soupçon d'humour (noir) bien british. Sans compter l'excellente prestation de McAvoy qui hérite vraiment d'un personnage torturé, et le petit accent français de Cassel qui ajoute un charme certain et un peu surréaliste au film. On pourrait reprocher au Britannique de partir dans tous les sens et, par moments, laisser le spectateur quelque peu sur le carreau, mais c'est tellement rafraîchissant par rapport au thriller habituel qui n'est souvent qu'à une ou deux facettes, et tellement bien fait, que ce n'est qu'un écueil qui justifie cette envie de revoir le long-métrage pour mieux déceler les différentes couches de lecture.

Trance n'est pas non plus un chef-d’œuvre - d'ailleurs, j'ai arrêté de vouloir retrouver la puissance de Sunshine dans chaque film de Boyle - mais est un long-métrage absolument exquis à travers lequel le réalisateur déploie tout son talent créatif et son plaisir de faire des films. Trance est une expérience unique qui marie excellemment un visuel stylisé et évolutif à un environnement sonore totalement hypnotisant. Sans verser automatiquement dans le "film d'auteur" lent et contemplatif, le réalisateur britannique opte pour une structure dynamique, moderne et kaléidoscopique, tout en s'amusant avec les codes du genre sur une intrigue captivante, construite sur de multiples niveaux, qu'on a hâte de redécouvrir. Une fois de plus, Danny Boyle créé une œuvre contemporaine - sa dixième sur grand-écran - à laquelle il insuffle avec simplicité une vision artistique propre et extraordinaire. Assurément la marque d'un des réalisateurs les plus émérites de notre époque.
AntoineRA
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Créée

le 9 mai 2013

Modifiée

le 29 juin 2014

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AntoineRA

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