Je ne m’attendais pas à ce genre de film. Je ne m’attendais pas à grand à dire vrai. J’y allais un peu comme ça, par hasard, parce que c’était le seul film diffusé à 16h20 qui me donnait plus ou moins envie, parce que j’avais du temps à tuer. Je ne connaissais pas grand chose du film avant d’y aller. J’ai commencé à me renseigner après m’être installé. J’ai lu quelques lignes du synopsis, lu le nom des acteurs, du réalisateur. Puis je me suis laissé porter.


Le film commence assez étrangement. On ne sait pas trop où on met les pieds. Amalric qui s’apprête à se souvenir... Il nous raconte son enfance difficile, sa relation qui semble (pour le moins) tourmentée avec sa mère. Ensuite, on a l’impression d’entrer dans un film d’espionnage, des histoires d’agent secret, d’agent double. Mais dans le fond, Desplechin plante un décors pretextuel pour nous parler du seul fait qui ait marqué Amalric dans sa vie, le seul élément qui le tourmente encore aujourd’hui, la seule chose qu’il ne parvient pas à oublier, qui l’obsède toujours, Esther, son amour de jeunesse qui reste l'amour d'une vie. Il vit avec ses regrets, il n'arrive pas à panser ses plaies, il reste comme écorché vif.


C’est cette relation un peu toxique qu’il nous conte tout au long du film. Lui commence l’université à Paris, elle est au lycée à Roubaix. Ils s'y rencontrent le temps d'un weekend. Ils deviennent fous l’un pour l’autre. C’est particulier comme histoire. Les personnages tout autant. Un Amalric jeune énervant, on dirait un mec de 45 balais dans un corps d’étudiant. Le timbre de sa voix, sa gestuelle, sa manière d’être, son vocabulaire. Il est égoïste, narcissique, mais pas possessif, plutôt partageur, du moment qu’elle lui revient, qu’elle lui appartient au bout du compte. Il joue et l’aime. Il l’aime et il joue avec elle. Il est détestable.


Elle, elle ne vit que pour lui. Elle ne sait pas vivre sans lui. Elle ne sait pas lui résister. Elle est incapable d’aimer quelqu’un d’autre. Même la distance ne suffit pas tant qu’il pourra revenir, même ponctuellement. Elle cherche à avoir son attention, son affection. Elle est quelque peu soumise, là pour lui. Tandis que lui est là pour lui.


Ce film est littéraire. Un peu brut. Deplechin ne tombe pas dans les clichés. Il conte une histoire de manière originale. Des retours en arrière, des souvenirs. Des histoires à reconstruire. C’est sensible. C’est froid. ça sent par moment François Truffaut, Jean-Pierre Léaud, Claude Jade.


Mais ça manque de réalisme, d’honnêteté. On dirait qu’il souhaite nous épargner la détresse, le malheur, la difficulté des personnages. Et dans le même temps, il en parle, mais en survolant ces différents aspects. Il le fait un peu par obligation, de manière un peu triviale, comme si de rien n’était. Il fait un peu le service minimum. Les personnages semblent par moment trop matures pour leur âge. On dirait qu’ils ont déjà tout vécus. On dirait une histoire réinventée a posteriori, la vie en plus.

pandabear
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le 8 juin 2015

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Panda Bear

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