Ca commence par un prétexte: Paul Dédalus, anthropologue, quitte le Tadjikistan suite à sa nomination au Quai d'Orsay. Il retrouve la France qu'il a quitté presque une décennie plus tôt, mais à l'aéroport, on lui annonce que son identité pose problème: il existe un autre Paul Dédalus, même nom, date et lieu de naissance, taille, couleur des yeux...
Et là, Mathieu Amalric (qui joue Paul adulte) raconte: Son enfance d'abord, puis son adolescence et comment, à l'occasion d'un voyage à Minsk, il a donné son identité à un juif pour lui permettre de fuir, et enfin -la partie la plus longue du film- son histoire avec Esther, une adolescente éthérée et un peu neurasthénique.
Paul Dédalus, c'est un mec poétique et pragmatique à la fois, un garçon qui semble venir d'ailleurs: il contraste avec ses amis, il a toujours cette classe un peu espiègle, ce charisme d'intellectuel débrouillard... Et son destin, atypique et brillant, nous est raconté avec la prolifération verbeuse que certains reprochent à Desplechin, mais qui à mon sens sert son cinéma, dans la mesure où l'on a l'impression d'assister à un film autant que de lire un roman.
Le "cinéma littéraire" de Desplechin est à chaque fois un coup de force (je pense particulièrement à "Un conte de Noël"). La complexité des rapports à autrui et des idées de chacun est toujours longuement décrite, ce qui donne des films à rallonge (celui-ci ne dure "que" 2h) qui portent autant d'idées que le format "film" le permet.
En bref, un film nostalgique mais pas chiant pour autant, qui présente non pas trois "souvenirs" mais trois moments fondateurs de l'identité du Paul Dédalus que l'on rencontre au début du film: la boucle est bouclée.