Révélés par The Big Lebowski (1998) et O'Brother (2000), adoubés pour No Country for Old Men (2008), les frères Coen s'aventurent en terre inconnue avec True Grit, western au casting ronflant (Jeff Bridges, Matt Damon, Josh Brolin...). Un film qui tient plus à la prestation de ses acteurs qu'à un déroulement scénaristique assez linéaire. Il n'en demeure pas moins un excellent cru du « réalisateur à deux têtes ».
Adaptation d'un roman de Charles Portis (True Grit, 1968), remake d'un film d'Henry Hathaway (Cent dollars pour un shérif, 1969), True Grit est surtout le baptême des frères Coen dans le genre western. On en oublierait presque que No Country for Old Men faisait déjà figure de western moderne, avec sa traque haletante et ses personnages étonnants de vérité. Dans le western, on connaît les deux écoles : l'hollywoodienne, de John Ford à John Wayne, et l'italienne (western spaghetti) de Sergio Leone et Clint Eastwood. Les frères Coen ne choisissent pas.
Mattie, 14 ans, cherche par tous les moyens à venger son paternel, tué de sang froid par Tom Chaney (Josh Brolin) pour deux pièces d'or et réfugié en territoire indien. Elle fait appel à un U.S Marshall, Rooster Cogburn (Jeff Bridges, flamboyant), chasseur de prime alcoolique mais au combien efficace. Cette chasse à l'homme voit débarquer un rival, pour qui la tête de Chaney est également mise à prix : le Texas Ranger LaBoeuf (Matt Damon), cowboy vertueux et pleins de principe. Dans ces personnages, on retrouve toute la verve des frères Coen. Le film est bien construit autour des dialogues, ponctués de joutes verbales sarcastiques et de répliques truculentes. Ici, les cowboys tiennent plus de la parodie Leonienne, opposant le bon samaritain texan et son anti-héro, le Marshall, éructant, crasseux et grand amateur de whiskey. La scène d'exposition de ce dernier, qui le voit se défendre au tribunal pour plusieurs meurtres, est un véritable délice.
Le reste du film est un parti-pris. Une sorte de quête initiatique sur fond de vengeance que le personnage principal, une fillette un peu candide, mène au milieu des hommes de ce monde, qui n'ont pour seule loi que le dollar. Cette quête de Perceval, on la découvre dès la première scène, noire et enneigée, comme une invitation à explorer cette Amérique encore pleine de secrets.
Les frères Coen déroulent la suite avec le savoir-faire qu'on leur connaît. Mise en scène très hollywoodienne, paysages désertiques et narration sans grande surprise. On suit le fil conducteur imposé sans trop de bouleversements. Certes, ce n'est pas déplaisant, mais manque l'atmosphère propre au western, la tension des duels, la peur de l'inconnu. Les réalisateurs ont plutôt choisi de lester le film d'un plomb humoristique qui coule évidemment tous les autres aspects. Jusqu'au dénouement final.
Mordue par un serpent, la jeune Mattie doit voir un médecin au plus vite. C'est là que le vieux Cogburn montre son visage chevaleresque, chevauchant au crépuscule, habité par des forces qu'il ne connaissait plus. La nuit entre ciel et terre, le film dévoile un lyrisme jusque là éteint, un moment de poésie que l'ellipse de fin clos en beauté.
True Grit n'est certainement pas le meilleur film des Coen Brothers, mais il a le mérite de tirer le meilleur de ses acteurs qui restaurent les armoiries poussiéreuses d'un western oublié.
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