Film méconnu de David Schwimmer (qu'on ne s'attendait pas à la réalisation sur un thème pareil), Trust conte le viol d'une adolescente de 15 ans par un pervers adepte des tchats sur Internet, se faisant passer pour un lycéen pour s'attirer la confiance de sa future victime. Lors de leur première rencontre, elle s'aperçoit que le dénommé Charlie a en réalité 35 ans. Il l'attire dans un motel miteux et, après l'avoir fait essayer les sous-vêtements achetés pour elle, la viole. Tout en filmant discrètement la scène.
Trust aurait pu s'apparenter à un énième film sur la pédophilie, et pourtant. Bien plus efficace qu'il n'en a l'air, et derrière quelques effets relevant pour certains du clichés, Schwimmer s'attarde sur un point essentiel et rarement abordé : le lien père-fille post agression. Clive Owen incarne en effet Will Cameron, témoin impuissant des malheurs de sa fille. L'incompréhension qui s'installe entre deux êtres autrefois proches déchire la famille et enfonce les deux protagonistes dans une souffrance acide, et une destruction lente et longue du cocon familial. En posant sa caméra au cœur d'une maison de banlieue de Chicago, Schwimmer s'attarde moins sur la traque du pervers en lui-même que sur la façon dont ce genre de crime détruit et dévaste les victimes, et tous ceux qui l'entourent et qui l'aiment, l'isolant de ses amis, de ses parents, de ses frères et sœurs. Une double peine pour les gamines victimes de ces meurtriers en puissance, réduisant les dernières bribes d'enfance à néant. Clive Owen propose un jeu correct et assez convaincant, perdant ses repères et incapable de se faire justice à lui-même, comme de nombreux hommes en rêveraient à sa place.
Trust ne dénonce pas moins le système judiciaire aberrant, qui se contente de "rassurer" une population tout en pointant du doigt les criminels sexuels libérés et fichés, dont la localisation est facilement accessible pour quiconque voudrait se renseigner sur les hypothétiques crimes de son voisin. La lenteur des démarches et des recherches, l'incapacité de retrouver ces pédophiles des années et des années après leur premier viol, pourrait rendre fou n'importe quel quidam victime de près ou de loin de ce genre d'injustice.
Liana Liberato s'acquitte avec une sobriété impressionnante de son rôle de gamine perdue et manipulée, persuadée d'éprouver des sentiments pour son violeur et que ce dernier en éprouve à son tour. Désorientée et obsédée par l'idée de lui rester fidèle et de ne pas le dénoncer, on ne peut qu'être touché par le constat alarmant : ces jeunes filles bousillées peinent à se reconstruire et à retrouver leur monde à l'endroit. La fin, cynique à souhait, ne tombe dans aucun écueil, et nous laisse bien amers, mais au moins réalistes.
Un très joli 7, bien mérité.