TUNNEL (2017) de Kim Seong-hoon

Cette œuvre protéiforme se décline comme un habile film catastrophe, un efficace rollercoaster, et une fable politique et médiatique. L’histoire d’un père de famille en route pour rejoindre sa famille et fêter l’anniversaire de sa fille qui va se retrouver enseveli sous des tonnes de pierres à la suite de l’effondrement de la voûte d’un tunnel lors de son passage en voiture. Pris au piège combien de temps va-t-il tenir ? Des secours vont t’ils s’organiser pour le récupérer avant qu’il ne soit trop tard ? Pour son deuxième long métrage visible en France, après le remarqué Hard day en 2014, Kim-Seong-hoon grâce à un budget plus conséquent s’attaque au film de survie par l’adaptation du roman Tunnel de So Jae-won paru en 2013 et inspiré par le dramatique naufrage du Ferry Sewol en avril 2014 au large de la Corée du Sud.

Le metteur en scène s’empare à bras le corps de l’intrigue et le film démarre pied au plancher jusqu’à l’accident pour ne pas baisser d’intensité tout au long de l’histoire, malgré l’aspect figé du huis clos intérieur et extérieur, récit par le biais d’une mise en scène très inspirée. Le réalisateur opte pour mieux illustrer la claustrophobie l’utilisation d’un plateau réellement reconstitué avec une voiture ensevelie muni de nombreuses mini caméras installées dans l’habitacle pour retranscrire au mieux la tension et que l’acteur soit mieux imprégné dans le récit et plus libre de ses mouvements sans l’équipe technique à ses côtés, isolé des autres…Le rendu immersif marche pleinement !

La pertinence de l’auteur se concrétise également dans le choix d’illustrer deux espaces, celui clos sous les pierres de l’effondrement du tunnel et extérieure avec les opérations de sauvetage hors norme pour tenter de sauver un homme. En mettant constamment en parallèle ces deux lieux, ce survival offre des ruptures de tons judicieuses, et permet de poser clairement la question « Que vaut la vie d’un homme ? ». Par cette interrogation cette fiction intelligente se transforme en une mordante satire sociale. La narration simple, linéaire et multigenres a parfois à tendance à quelques facilités scénaristiques, mais l’équilibre tragi-comique du projet permet des respirations bienvenues et augmente la pertinence de la dénonciation de la classe politique et médiatique dont nous pouvons constater chez nous également la médiocrité.

À noter que ce film en Corée du Sud est survenu avant le scandale de la présidence de Park Geun-hye (emprisonné depuis le 30 mars 2017 pour scandale de corruption) démontrant incontestablement que la réalité dépasse largement cette fiction que certains trouvent un peu caricaturée ! Ce coup de projecteur sur le cirque médiatique et le cynisme politique trouvent donc un écho bien plus intense sous ce tunnel. L’auteur parvient à mélanger avec une fluidité étonnante le grand spectacle (certaines scènes d’actions sont étonnantes), l’épique dans la survie dont on retrouve certains codes du genre mais avec des originalités propres, et le tragique dans l’intime, toujours sur le fil du rasoir mais sans jamais sombrer dans une détresse trop pathos.

Un survival très convaincant (un poil long parfois), littéralement porté par le charismatique Ha Jung-woo (The Chaser, The Murderer, Mademoiselle) avec lequel on souffre, on rit, on espère grâce à son jeu nuancé. Un double portrait d’hommes dont Oh Dal-soo (Old Boy, Lady vengeance, Le Bon, la brute et le cinglé) en sauveteur têtu à la tête des secours montre tout son talent secondé par la délicate et émouvante Doona Bae (Air Doll, Cloud Atlas, A girl at my door). La partition musicale s’avère également de bonne tenue et percutante aux nombreux moments de tensions dramatique. Décidément le cinéma sud-coréen offre à nouveau un film de genre bien senti, loin des blockbusters américain. Car derrière l’efficacité de l’action se niche toujours, même sous les pierres et la poussière, une sagace critique de notre société, donnant ainsi une toute autre ampleur au simple projet cinématographique de divertissement.

A vous de creuser et de vous rendre compte de la fragilité et l’importance (parfois un peu vite balayée) de la vie, même sous un Tunnel. Caustique. Émouvant. Haletant.

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le 2 mai 2017

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