Avec Un amour de jeunesse, l’ancienne critique de cinéma devenue réalisatrice Mia Hansen-Løve clôt sa trilogie sur la séparation, le deuil, la fuite du temps et le passage de l’adolescence vers l’âge adulte. Autant de thèmes graves et forts que la cinéaste persiste à refuser à les aborder frontalement – avec son lot de crises, de cris et de scènes au pathos probablement trop appuyé. Mais à force de gommer toutes les aspérités de comportements où le malaise et la dépression affleurent en permanence, celle qui débuta pourtant de façon prometteuse avec Tout est pardonné (2007) finit à présent par affadir son propos. Cette histoire d’un amour adolescent impossible à oublier et qui continue à hanter Camille des années après le départ de Sullivan est tellement peu incarnée qu’elle n’est jamais réellement crédible, et encore moins en mesure de susciter le moindre intérêt chez le spectateur, par ailleurs affligé d’une telle avalanche de stéréotypes. Comme dans les deux opus précédents, Mia Hansen-Løve continue à présenter les mêmes symptômes d’une relation compliquée avec les hommes quadragénaires qui essaiment ses réalisations en père absent et drogué, en brillant producteur de cinéma suicidé ou, aujourd’hui, en architecte de renom. On nous pardonnera à notre tour de trouver ces prétendus héros têtes à claques, snob et caricaturaux, avec une nette progression dans la détestation. Le prof allemand Lorenz, sorte de pygmalion dont s’éprend Camille, délivre des théories fumeuses et absconses sur son art, tout en possédant les pires tics du créatif. La réalisatrice du Père de mes enfants ne s’éloigne jamais du milieu artistique et branché qu’elle semble particulièrement apprécier, sans l’investir avec la moindre distance. Ce qui donne un film lisse, globalement très mal interprété – les trois comédiens principaux sont catastrophiques dans leur jeu artificiel et apprêté – et interminable. C’est la troisième partie du film qui nous achève définitivement dans son étirement dilatoire. La seule bonne idée du film est sans doute la représentation suggestive et fluide du passage du temps en optant pour l’éternelle jeunesse des héros – métaphore évidente de l’impossibilité de l’usure et de l’oubli. Mais aussi brillant soit-il, le dispositif ne parvient jamais à dissimuler la platitude d’un amour auquel on ne croit pas, parce qu’il n’existe pas réellement. Plus qu’être entichée de l’inconsistant Sullivan, Camille est d’abord amoureuse de l’amour et de l’idée qu’elle s’en fait. Une vision fantasmée qui l’habite et lui fait de nouveau voir dans un architecte entre deux avions et maints projets l’homme de sa vie.
Il est donc grand-temps que Mia Hansen-Løve liquide ses souvenirs et ses préoccupations narcissiques de post-adolescente pour mettre à jour un véritable talent de cinéaste, qui apparaît jusqu’alors plutôt fabriqué et surestimé.
PatrickBraganti
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le 20 nov. 2012

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