Le manoir de l'absurde

Quel régal ce film ! Il s'agit d'un pastiche qui rend hommage aux films policiers des années 40, à Agatha Christie et aux romans à énigme, écrit par Neil Simon, où les 5 plus grands détectives du monde parodient chacun un détective de romans policiers. Pour résumer, c'est ça, mais en fait, c'est un délire tout du long qui se vautre dans l'absurde le plus total.
Dick Charlston (David Niven), à la classe british est inspiré de Nick Charles, d'après la série des "Thin Man" écrite par Dashiell Hammett ; le personnage évolue ici avec son épouse comme le duo de héros originels, Nick et Nora Charles. Sam Diamond (Peter Falk) est inspiré de Sam Spade, au franc-parler et à l'allure bien américaine, détective privé crée par Dashiell Hammett. Milo Perrier (James Coco), avec ses airs stylés est inspiré d'Hercule Poirot. Jessica Marbles (Elsa Lanchester) est inspirée de Miss Marple, autre création d'Agatha Christie. Et Sidney Wang (Peter Sellers) est inspiré de Charlie Chan qui évolue dans les romans écrits par Earl Derr Biggers. Seul manque un émule de Sherlock Holmes, un moment envisagé mais hélas abandonné.
Comme on le voit, le casting est exceptionnel, où tous doivent se mettre en valeur, c'est la tâche ardue à laquelle se livre Robert Moore, réalisateur de télévision qui n'arrive pas complètement à maîtriser autant de bons acteurs dans des personnages qui veulent chacun briller. Certains sont donc par moments un peu désavantagés, l'humour tombe parfois un peu à plat, comme si tous ces personnages n'étaient pas dépendants les uns des autres. Si bien qu'à ce petit jeu, les plus en verve sont assurément Peter Falk et Peter Sellers qui rivalisent de brio chacun dans leur style. A cela s'ajoutent des personnages secondaires qu'il faut contrôler aussi, tels l'hôte excentrique qui invite tous ces détectives, incarné par l'écrivain Truman Capote, l'épouse de Dick Charlston, incarnée par une pétillante Maggie Smith, la secrétaire de Sam Diamond incarnée par Eileen Brennan qui type la secrétaire populaire et complice, le valet caractériel de Milo Perrier incarné par un James Cromwell alors débutant, et surtout le majordome aveugle incarné avec une malice et une finesse british par un Alec Guinness désopilant.
Ce huis-clos reste quand même un délice d'humour noir semé de gags, avec effets comiques et petits détails inventifs comme la sonnette de l'entrée du manoir qui imite un cri de femme qu'on assassine. C'est un jeu morbide et cocasse, rempli de loufoquerie où l'on prend plaisir à démêler le vrai du faux et où les apparences sont trompeuses. Je regrette seulement qu'un réalisateur plus chevronné n'ait pu contenir tout ceci, je me suis pris à imaginer ce qu'aurait pu faire Sidney Lumet d'un tel sujet, lui qui avait déjà dirigé un casting 5 étoiles dans le Crime de l'Orient-Express. Une comédie policière jubilatoire qui reste très méconnue.