Ne connaissant Hong Sang-Soo que de réputation, je ne saurais mesurer à quel point ce film constitue une (énième, légère) variation dans sa carrière. Peu importe, à vrai dire. Indépendamment de ces considérations d'auteur, il y a dans Un jour avec, un jour sans une forme de subtilité, de simplicité, et d'étude de variation d'une touchante sincérité. L'air de rien, il dit beaucoup.


Un film, une histoire, mais deux versions. Un cinéaste de renom rencontre une apprentie peintre dans une petite ville loin de Séoul, et deux déclinaisons de leur relation naissante s'offrent à nous, deux positions par rapport à la sincérité des sentiments. La magie du dispositif réside dans ces subtiles variations entre les deux récits presque identiques qui ont des conséquences sur la suite, pour un résultat final sensiblement différent. En quelques plans fixes, en quelques plan-séquences, Hong Sang-Soo donne à voir les aléas des rencontres et des comportements. La conclusion est un peu simple en elle-même, mais elle n'en reste pas moins attendrissante, et même surprenante dans le chemin qui l'a précédée et qui nous y a conduits : la sincérité primera toujours sur la flagornerie, la sincérité jusque dans nos défauts sera toujours la seule façon de se révéler (et s'accepter) pleinement.


Mais l'intérêt du film se trouve plus dans le cheminement que dans cette conclusion limpide. Comment se fait-il qu'on s'engage dans deux directions aussi différentes en ayant pris le même chemin ? Le minimalisme de la mise en scène et le procédé de répétition poussent à se concentrer sur ces infimes détails qui font dériver l'histoire des deux personnages du sentier qui semblait tout tracé. Tout en subtilité : on ne passe pas de l'échec au succès amoureux, mais plutôt de l'amertume et de la frustration des fausses promesses à la candeur d'un instant partagé sincèrement et d'une rencontre qui se termine sur des points de suspension. En deux petites heures, Hong Sang-Soo a réussi à dépeindre la fragilité des rencontres, l'incertitude des lendemains, et l'importance des aléas. Et on réalise à quel point ces instants de vérité et de simplicité pures sont rares.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-jour-avec-un-jour-sans-de-Hong-Sang-Soo-2015


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le 6 juin 2016

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