Un peuple et son roi, sorti en septembre 2018 et réalisé par Pierre Schoeller (L'Exercice de l'État), est une fiction historique sur la Révolution française. Très attendu et profitant d'une forte couverture médiatique de la part des intellectuels, le film n'a pourtant pas su séduire le public français.
Pourtant les ingrédients sont là : un casting fort avec Laurent Laffite (très bon Louis XVI), Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Izïa Higelin et Céline Salette incarnent une vision honnête du peuple. On note aussi la présence d'un Louis Garrel en Robespierre, malheureusement discret, ou Denis Lavant en Marat excentrique.
Le film possède de nombreuses qualités. D'abord, la photographie est exceptionnelle. Le spectateur profite d'ambiances visuelles et sonores qui permettent une immersion unique dans le Paris du XVIIIe siècle. Une mention spéciale pour les chansons qui sont souvent trop oubliées lorsqu'on représente cette époque. Ensuite, et depuis longtemps pour un film sur la Révolution française, les personnages sont bien incarnés. Le peuple n'est pas idiot, il n'est pas la foule déshumanisée manipulable par la bourgeoisie. Il est composé d'individus dont c'est l'âme même qui se révolte face aux inégalités de leur temps. Chacun se met à penser et se constituer un avis, aboutissant à la naissance d'une opinion publique. Le roi, Louis XVI, est bien représenté. Il est grand, charismatique et sacré. Son corps n'est pas petit, gras, rabougri et n'est pas une caricature. Enfin, les politiciens comme Robespierre et Marat ne sont pas omniprésents, même si leurs présences sont trop brèves, et ils n'incarnent pas l'inquiétant visage de la Terreur à venir.
Pour tous ces éléments, Un peuple et son roi est une très bonne fiction historique. L'héritage est visible : c'est de La Révolution française, réalisé en 1989 pour le bicentenaire par Enrico et Heffron qu'il se revendique. Malheureusement, il en est trop documentaire. En somme, c'est une oeuvre qui sera très utile à tout enseignant souhaitant illustrer ou analyser la Révolution française à l'écran. Le scénario est découpé en scènes historiques très précises : la prise de la Bastille, la marche des femmes, la fusillade du champs de Mars, la prise des Tuileries, le jugement et l'exécution du roi. La temporalité semble avoir été une contrainte trop forte pour le réalisateur, il n'y a pas de liant, tout est saccadé. Pourtant, c'est l'essence même de la Révolution que d'avoir été une succession d'événements connectés par une trame plus grande qu'est l'insurrection populaire.
Le tout manque de cohérence, d'une âme qui insuffle l'esprit propre de la révolution. Il est dommage, en ces temps politiques, d'avoir seulement voulu être une illustration. La Révolution française c'est d'abord un embrasement, un cataclysme historique. Le film est trop sage, presque académique. On aurait voulu vibrer comme pour La Marseillaise de Renoir ou le Danton de Wajda. C'est peut-être pour cela que le film n'a pas convaincu. Il a été vanté par de nombreux intellectuels pour son sérieux, mais il aurait fallu prendre des risques et s'adresser au moteur de son histoire : le peuple français.
Hugo Orain