Film choc, violent (un peu gratuitement parfois), film de prison qui se veut l’égal des meilleurs films américains en ce domaine, Un prophète n’est pourtant qu’une demi réussite et la preuve que le cinéma français ne peut apparemment pas s’attaquer à n’importe quel sujet sans perdre beaucoup de sa crédibilité. Certes, Tahar Rahim est fascinant dans son rôle de petit Arabe qui peu à peu construit sa place à partir de rien dans une société impitoyable et Niels Arestrup est énorme dans son personnage de caïd corse. Certes la réalisation d’Audiard est à couper le souffle tant elle est virtuose et inspirée. Mais, après un bon départ (l’arrivée en prison et l’exposition des rapports de force), le scénario, dans la deuxième moitié du film, est d’une insigne faiblesse que la mise en scène n’arrive pas toujours à gommer. Les séquences avec le « fantôme » et la scène finale notamment sont à la limite du ridicule. Et surtout, l’idéologie est à questionner sérieusement : dans ce monde préfabriqué, il y a les Corses, les Arabes, les Noirs… qui se disputent le marché de la drogue, du jeu et du crime ! Ben voyons ! Et la psychologie des personnages dans tout ça ? Et l’analyse des sentiments ? Passées à la moulinette sans doute, au nom de la recherche d’une certaine efficacité qui se veut « made in America »… On a osé rapprocher Audiard de Scorsese… C’est intenable si l’on compare, par exemple, Shutter Island à Un prophète : d’un côté une technique impeccable au service d’un vrai propos et d’une réflexion fascinante sur l’être humain, de l’autre une technique tout aussi impeccable mais qui ne sert que de trompe-l’œil pour masquer l’absence de propos ou pire, un propos qui sent vraiment mauvais…