Depuis "Regardes les hommes tomber", Jacques Audiard est pour moi le cinéaste français le plus intéressant encore en activité. Le gars pourrait adapter les aventures de Oui-Oui que je serais le premier dans la salle, les pupilles dilatées par l'excitation. Lauréat du Grand Prix au festival de Cannes 2009 (entre autres), "Un prophète" est selon moi sa plus grande réussite, un poil derrière "De battre mon coeur s'est arrêté".

A partir d'une trame extrêmement classique, Audiard nous offre une sorte d'adaptation parfaite de "GTA" (non, je vous jure, ce n'est pas une obsession. vite mon joystick !), s'attardant sur le parcours d'un jeune délinquant illettré qui va petit à petit prendre du galon et renverser la tendance. Un message clair et pas des plus flatteurs qui ne brosse pas les institutions carcérales dans le sens du poil.

Mais ce qui fait avant tout la force du film de Audiard, c'est ce mélange de fatalité et de violence sèche et soudaine, d'humanité teinté d'onirisme qui suinte de tous les pores, cette poésie discrète qui vient tapisser les murs froids des cellules au moment où on ne s'y attend le moins. Audiard passe sans arrêt de l'action à la contemplation, du rire aux larmes, sans que cela ne viennent jamais enrayer la machine.

On ne pourrait décemment pas parler de "Un prophète" sans évoquer bien entendu LA révélation du film, le jeune Tahar Rahim, comédien discret et peu connu, gueule d'ange à l'émotion palpable qui semble sortir d'un autre univers, brebis presque innocente au milieu des loups mais qui devra sortir les crocs pour survivre. Témoin du spectateur, passerelle humaine entre nous et le monde carcéral décrit par Audiard, il est impeccable de bout en bout, entouré par des comédiens incroyables, Niels Arestrup en tête, boule de charisme aussi imposante qu'effrayante.

Passant comme une lettre à la poste malgré sa durée conséquente, "Un prophète" est bien la preuve que le cinéma français n'est pas mort et ne mourra jamais, tant qu'il y aura encore des cinéastes de talent et des spectateurs pour croire en eux.
Gand-Alf
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Repliques cultes., Gand-Alf and Emma Peel's Excellent Bluraythèque., Un film, une scène., Vus au cinéma. et 2013: année cinématographique.

Créée

le 23 sept. 2013

Critique lue 4K fois

59 j'aime

8 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 4K fois

59
8

D'autres avis sur Un prophète

Un prophète
Anyo
9

Merci Monsieur Audiard

Le cinéma français d'aujourd'hui c'est quoi ? C'est son film le plus cher : "Astérix aux jeux olympiques", c'est Michael Youn qui réalise, c'est la dernière miss météo qui joue les premiers rôles,...

Par

le 18 déc. 2010

93 j'aime

4

Un prophète
Hypérion
9

Rien qu'un Arabe qui pense avec ses couilles

Dur, violent, polyglotte, clanique, filmé dans un style oscillant entre le documentaire caméra à l'épaule et des fulgurances typiques d'Audiard, entre l'image en flamme et ces pourtours d'ombres...

le 21 mai 2012

64 j'aime

2

Un prophète
Gand-Alf
9

Zonzon.

Depuis "Regardes les hommes tomber", Jacques Audiard est pour moi le cinéaste français le plus intéressant encore en activité. Le gars pourrait adapter les aventures de Oui-Oui que je serais le...

le 23 sept. 2013

59 j'aime

8

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

268 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

208 j'aime

20