Ce film est plein d'imperfections. Plein de défauts même.
Pas toujours très fin, et parfois carrément maladroit.
La relation avec la petite Marie est tout à fait inutile, n'est qu'un prétexte.
L'utilisation de la musique est très mauvaise, on nous sert de mauvaises chinoiseries sur le mode pentatonique chaque fois que le vieux briscard se rappelle de la Chine.
Le rythme n'est pas vraiment maîtrisé, ça pêche à plein de moments.
Y'a des scènes presque inutiles.
Belmondo est à mille lieues d'être parfait, Gabin comme toujours dans ses films de vieillesse surjoue.


Et pourtant.

Y'a un message fantastique ici, qui me va droit au cœur, dans lequel je me retrouve complètement.
C'est l'apologie de l'ivresse.
Pas de ces snobinarderies qui consistent à goûter, apprécier, faire appel à ses sens, mais bien de l'état second. Preuve en est que l'on ne lésine pas, et que l'opium est vanté presque au même titre que l'alcool, mais chacun ses préférences, aussi incongrues soient-elles.

C'est l'apologie de l'abandon de soi, de la démesure, du caractère misérable de la conscience et de la noblesse de son évincement.
Pas dionysiaque car le plaisir ne conduit pas au plaisir.
On ne boit pas réellement pour le jeu. On boit pour le dépassement de soi. Pour voir la Chine, pour voir l'Espagne. Pour défier des voitures, allumer des feux d'artifices.
La cuite, c'est sérieux. Un art, une culture, une philosophie de la vie.
Boire c'est voyager, et il n'y a rien d'innocent dans le goût commun de ces « Seigneurs » qui ont mon respect le plus immense pour le voyage, l'exotisme, l'ailleurs.
Rien d'innocent non plus dans le dialogue de Quentin et sa femme, lorsqu'il lui dit qu'elle est parfaite, mais qu'elle l'emmerde.
La culture de l'ivresse, c'est ça. Un rejet de la perfection, de la tranquillité, du calme, de la sécurité, au profit de l'aventure, de la folie.

J'aime et comprends tellement la réaction de Quentin lorsque sa femme lui propose de ne boire qu'un peu, un demi verre de vin au repas, si l'alcool lui manque.
Sans comprendre que l'on ne boit pas pour un verre, que loin d'avoir un intérêt quelconque, c'est ridicule et méprisable. Que l'on boit pour repousser chacune de ses limites, expérimenter, pour se sentir vivre.

Pas la glorification du bon goût, mais du mauvais. Soyons ivres, vivons fous, vivons malades.


Ce film ne pouvait être que français.
Profondément décadent, avec une morale tordue, et un goût final qui rappelle certainement celui des bonbons que Quentin mange pour oublier le goût de l'oubli.
Adobtard
7
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le 17 mars 2013

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Adobtard

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