On ne s’attendait pas à une telle dose d’humour !



Un cadre : l’Inde contemporaine. Une rencontre : celle d’Antoine Abeilard, célèbre musicien à qui l’on a demandé de faire la musique du dernier film d’un réalisateur emblématique local, et d’Anna Hamon, femme de l’ambassadeur de France. Mariée, amoureuse et « sur le chemin de la fertilité », Anna cède pourtant au charme de ce prodige de la musique, si assuré, charismatique et plein d’esprit. Lui, cet éternel inconstant, « amoureux de l’amour », tellement pragmatique, jamais sérieux, paraît ne rien avoir en commun avec cette ancienne professeur de philosophie, sensible et pleine de croyances. Anna a prévu, à l’occasion de la Kumbh Mela – fête religieuse hindoue rassemblant des millions de pèlerins venant se purifier dans les eaux du Gange –, d’entreprendre le voyage dans les mêmes conditions que la population locale (de longues heures de train, puis une traversée en bateau). Elle espère que ce périple spirituel, où elle obtiendra son premier darshan d’Amma – figure religieuse indienne qui prend régulièrement des fidèles dans ses bras, étreinte qui aurait des vertus miraculeuses – lui permettra de réaliser son vœu le plus cher : tomber enceinte. Au détour de ce voyage, Antoine décide de la rejoindre dans l’espoir de soigner une migraine qui pourrait lui coûter la vie : prétexte ou non, cette virée commune leur permettra de se rapprocher et de se percer à jour…


Que dire de ce film dont la bande annonce laissait présager un scénario assez commun : une comédie romantique à la française, comme on en a beaucoup vu, avec un déroulement des plus classiques (deux personnages que tout oppose tombant amoureux malgré tout, luttant tout le film contre leurs démons internes) et son lot de larmes et d’émotion. Cela aurait pu être redondant, mais ça ne l’a pas été ! Ce long signé Claude Lelouch présente, en effet, une dimension plus profonde. Un + une est plus qu’une simple romance, c’est aussi un film « culturel ». Le cadre spatio-temporel choisi par le réalisateur ne sert pas uniquement de trame de fond à l’histoire, il en fait partie intégrante. Lelouch fait voyager le spectateur à travers cette Inde contemporaine, lui raconte ses rites et traditions religieuses, lui donne à voir cette culture du mystique si prégnante. Les prises de vue extérieures, qui sont pour la plupart réalisées dans un décor authentique avec la population locale en arrière-fond, sont magnifiques. Par ailleurs, la dimension culturelle du film ne se cantonne pas au cadre prêté à l’histoire. Elle se fond dans chaque élément du film : dans la musique d’Antoine (le compositeur interprété par Jean Dujardin), dans le film du réalisateur indien, Juliette et Roméo, qui amène Antoine sur le sol indien et qui sert de fil conducteur tout au long de l’histoire, dans le livre évoqué par Anna qui fait alors directement référence au titre du film...


On ne s’attendait pas non plus – même si ce n’est, au fond, pas si surprenant –, à une telle dose d’humour ! Jean Dujardin réalise une prestation assez impressionnante. Jusque-là, l’acteur ne nous avait habitués à aucune demi-mesure : on le connaissait exclusivement dans des rôles comiques ou alors très sérieux (dans Un balcon sur la mer, Contre-enquête, par exemple, ou encore le plus récent La French). Ici, Dujardin donne, presque à lui seul, toute sa légèreté au film, avec un sens de la dérision à toute épreuve, même lors des situations les plus sérieuses. On apprécie également la relation de complicité, particulièrement naturelle, qui unit le couple d’acteurs et permet au film de sonner extrêmement juste. Leurs éclats de rire ne paraissent en rien provoqués comme si les deux comédiens se laissaient prendre à leur propre jeu de scène – une spontanéité qui s’exprime même dans les dialogues.


La fin du film est le seul élément un brin décevant. Un + une dure presque deux heures et malgré tout, on ne voit pas passer le temps – pas même l’ombre d’une longueur jusqu’au moment du dénouement. En effet, c’est à cet instant que l’histoire prend une tournure assez étrange, limite grotesque. On ne sait pas ce qui est le plus dérangeant : la faiblesse du jeu d’acteurs au moment des révélations en huis clos ou la situation en elle-même, cette ellipse à laquelle on ne s’attendait pas ou alors ce trop-plein de coïncidences hasardeuses qui lui fait suite…


En dépit d’une fin pouvant susciter quelques incompréhensions, Un + une est un film d’une immense poésie. Il va au-delà de nos espérances, ne se contentant pas de raconter une vulgaire histoire d’amour. Une belle performance de Claude Lelouch que vous saurez vous aussi très certainement apprécié !

SarahPons
8
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le 20 nov. 2016

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Sarah Pons

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