J'y suis allé à reculons, mais j'y suis allé. Je me suis installé au dernier rang, sur la gauche tout près du mur, pour pouvoir m'agripper à l'applique et me défendre efficacement de la main droite, car je suis droitier. J'ai demandé à une amie très protectrice de s'asseoir derrière moi pour protéger mes arrières et à un vieux copain un peu naïf et toujours volontaire de se mettre sur le siège devant moi, pour que le tentacule de la bestiole le happe en premier. Craignant le pire depuis que j'ai vu Les dents de la mer et Open water, en eaux profondes, j'ai retiré mes chaussures et replié mes jambes sous moi, sur le fauteuil, car je sais que cela vient souvent par en-dessous, quand on s'y attend le moins, j'ai veillé également à rentrer la tête dans mes épaules, pour offrir le moins de prise possible dans le cas où.


Par 10 000 m de fond dans la fosse des Mariannes, une société de forage fore. Elle ne fore pas pour le plaisir de forer, mais avec la ferme intention de trouver quelque chose, sans toutefois nous dire précisément ce qu'elle cherche, peut-être bien parce que cela ne changerait pas grand chose à l'histoire. Un enchevêtrement de stations de travail et de vie abrite l'activité d'une poignée de techniciens, peu nombreux, ce qui permet de faire des économies de comédiens, la majorité d'entre eux étant morts dans ce qui semble être un tremblement de terre sous-marin. Je veux parler des techniciens bien sûr, pas des comédiens qu'il n'a pas été nécessaire de recruter de ce fait. C'est ainsi que le film commence.


La station Kepler 822 ressemble étrangement à une station spatiale, à la différence qu'elle n'est pas placée sur orbite mais posée sur la croûte terrestre au fond de l'eau et qu'on peut se rendre d'un satellite de la station à l'autre, à pied, si besoin est. A condition toutefois de revêtir un énorme scaphandre en tout point ressemblant à celui que porte les spationautes de la station Mir quand ils sortent de leur vaisseau pour resserrer quelques boulons. Les premiers déambulent sur le fond sablonneux pendant que les seconds flottent dans le cosmos.


Pendant que Norah/Kristel Steward se brosse méthodiquement les dents, de sourds craquements se font entendre, des vibrations traversent les lieux et les lampes d'éclairage se mettent à clignoter comme il se doit. « Qu'est-ce que c'est ? » a-t-elle l'air de se demander. « Indubitablement, il se passe quelque chose » , me suis-je dis dans mon for intérieur.


« Il s'agit d'un tremblement de terre, pour sûr ! » lui dit le capitaine Lucien/Vincent Cassel après qu'elle eut posé la question, cette fois à haute voix , une fois la brosse à dents reposée et après avoir rejoint les autres. Evidemment, il y a des infiltrations d'eau un peu partout et comme vous le savez pour l'avoir expérimenté, par procuration dans d'autres films, l'eau et l'électricité ne font pas bon ménage. Le bureau de contrôle des techniciens sous-marins se transforment en salle de pyrotechnie avec des jets d'étincelles dans tous les sens du fait de court-circuits à répétition. C'est assez impressionnant et même inquiétant pour tout dire, surtout que la bande sonore illustre le tout à coup de crépitements qui font craindre le pire, de craquements lugubres, de chocs sourds ou métalliques et même de bruits mal identifiés, tantôt graves, tantôt aigus, tantôt inqualifiables en arrière-fond.


La bande-son n'a rien à voir avec celle, épurée, précise et éthérée de Star War ou d'Odyssée de l'espace. D'ailleurs les éclairages n'ont rien à voir non plus, la lumière solaire ne pénètre pas les abysses et les délicates poussières cosmiques n'ont rien à voir avec une eau sombre et chargée du fait des suspensions liées à un tremblement de terre et à des effondrements divers. Cela tombe bien. Peu importe par conséquent la qualité de la photo et la finition des décors, tout est dans la suggestion.



  • Il ne faut pas tout nous raconter ! avez-vous envie de me dire.

  • En effet, ce n'est pas l'usage dans une chronique de présentation de film, mais aujourd'hui je pourrais le faire car cela vous éviterait de perdre votre temps en allant le voir, ai-je envie de vous répondre.


Il n'y a malheureusement pas grand chose à raconter sinon que Nora est, aux dires de l'un des techniciens (nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur lequel), une biologiste aux petits nichons et que selon Emily/Jessica Henwick, tout ce qui arrive est normal car les hommes violentent la terre et la nature donc qu'inévitablement cette dernière cherche à se venger. Après ces fortes paroles, on se demande bien pour quelles raisons, l'un après l'autre et cela presque jusqu'à la fin du film, interroge à la cantonade : « Mais qu'est-ce qui se passe ? »


J'étais seul dans la salle avec mon service de protection. Je me suis soudain assoupi. D'ennui. C'est un bruit très inquiétant qui m'a tiré de cet instant paisible. Un cri plutôt, il tenait du ricanement de la hyène, du feulement d'un tigre en rut et d'un son de gorge de Tyrannosaure affamé. J'ai fait un bond et moi-même poussé un cri effrayant. La lumière s'est allumée dans la salle, le projectionniste est entré accompagné d'une ouvreuse aux longues jambes interminables. Elle tenait à bout de bras la valisette contenant le défibrilateur de l'établissement. J'ai lâché l'applique à laquelle je m'étais accroché et d'un geste rassurant, j'ai signifié que la projection pouvait reprendre, que ce n'était qu'un moment d'égarement.


Le rugissement qui m'avait tiré de ma torpeur était censé être celui d'une créature abyssale que je n'ai pas vraiment pu identifier. Elle avait une gueule avec des dents pointus et acérés à la manière d'un piranhas, j'ai même cru entrevoir une langue fourchue de reptile et j'ai en tout cas clairement vu des épaules de catcheur se prolongeant de longs tentacules se terminant par des doigts crochus comme E.T. Elle tenait également de la pieuvre et visiblement les scaphandres des foreurs résistaient à leurs sucs gastriques. A la réflexion, en rentrant chez moi après le film, je me suis qu'il y avait peut-être deux monstres, mais que l'eau trouble et le manque de lumière à ces profondeurs ne permettaient sans doute pas de bien les distinguer l'un de l'autre.


J'aime le cinéma. J'aime y pleurer à chaudes larmes, y rire à gorge déployée, y fulminer en jurant qu'on ne m'y reprendra plus mais également prendre des airs mystérieux et inspiré quand je n'ai pas compris grand chose au film. Aujourd'hui, j'ai voulu me faire peur. J'avais envie de claquer des dents de terreur. Je n'ai pas vraiment eu peur car ce n'est pas moi qui risque de m'amuser à aller forer par 10 000 m de fond, encore moins sans vraiment savoir pour quelle raison. Aucune identification possible par conséquent. J'ai connu tout de même quelques brèves frayeurs, vite maîtrisées cependant. Si je m'accommode depuis quelques années assez facilement des feulements de fauves en rut, je n'ai jamais vécu sereinement le ricanement d'une hyène dans l'obscurité même volontaire d'une salle de spectacle.


Une question ne cesse de me turlupiner depuis tout à l'heure. Vincent Cassel a-t-il des fins de mois si difficiles pour qu'il soit contraint de se commettre dans un navet pareil ? N'aurait-il pas pu trouver, comme d' autres, quelques spots publicitaires pour mettre du beurre dans ses épinards ?


POST SCRIPTUM
" Je me suis installé au dernier rang, sur la gauche tout...."
Mon amie protectrice me fait observer qu'il lui est difficile d'assurer mes arrières si je m'installe au dernier rang de la salle, sauf à rentrer dans le mur. Je vous propose donc une légère modification, en avançant d'un rang et en m'installant à l'avant-dernier rang.

Freddy-Klein
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le 27 janv. 2020

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