Sur le thème de la grandeur et décadence des stars, le cinéma a brodé à l’envi, chaque génération fournissant un nouvel exemplaire de ces gloires soudaines et de ces vies gâchées (on se rappellera entre autre réussites notamment du magnifique et quasi crépusculaire« les ensorcelés » de Minnelli).Nourri dans le sérail, Georges Cukor fut l’un des premiers à traiter ce sujet douloureux : ce fut , en 1932 « What Price Hollywood ? » Il y revint 20 ans plus tard, en tournant un remake du film à succès de William Wellman.Dans cette mise à nu des drames du show business, nul doute que ce soit la version Cukor /Garland qui nous enchante, autant qu’elle nous touche, le plus.Il s’agit d‘une authentique « tragédie musicale », faisant coïncider de façon complexe vie et spectacle, réalité et fiction : Judy Garland fut en effet une étoile lancée très jeune qui déclina très vite sous l’effet de l’alcool et des tranquillisants. Son personnage de femme marquée est fort loin du cliché ; il apparait comme l’envers tragique des rôles qu’elle joua sous la direction de Minnelli, tel le « pirate « par exemple.
Sur le plan purement formel ce fascinant psychodrame est réalisé selon une technique d’une richesse confondante. S’inspirant des tableaux de David, Cukor traite le cinémascope avec une maitrise qui n’a d’égale que celle d’Ophuls dans « Lola Montes » (aussi on lui pardonnera les quelques 3 ou 4 mauvais raccords aussi inattendue ici qu’un cheveux sur un plat de truffes) ; son travail sur la couleur, qui oppose les teintes froides de la vie au bariolages des teintes chaudes du spectacle, les plans en intérieur aux tracés chromatiques composés à l’équerre et au compas et les scènes en extérieurs aux couleurs chamarrés mêlant fiction et plans documentaires, est de tout premier ordre.Oeuvre clé ayant à subir de multiples mutilations, les nombreux plans coupés et perdus ayant été réintégrés sous forme de photographies dans le montage final confère une modernité inattendue à la fable et nourri remarquablement le contrepoint désenchanté qui la fixe définitivement dans l’imaginaire contemporain.Tout simplement le sommet absolu du genre.
STEINER
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le 12 nov. 2014

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