Oui, avec "Une femme sous influence" (1974), John Cassavetes réalisa son tout meilleur film, sa plus belle réalisation, sa plus forte, son chef-d'oeuvre. Tout y est d'une puissance absolue, que ça soit l'interprétation, l'histoire, et bien sûr la réalisation. En effet, on est directement plongé entre les relations des personnages de manière la plus brute, la plus essorée, presque abrupte, mais d'autant plus forte. Cassavetes évoque de manière frontale des sujets rarement traités au cinéma, à savoir les tensions et la desespérance d'un foyer, principalement dûes au comportement quasi-hystérique et maniaco-dépressif de la mère (Gena Rowlands face à Peter Falk, tous deux livrant des performances proprement immenses). C'est vraiment du très grant art, qui est assurément l'oeuvre la plus aboutie de Cassavates. Un Cassavetes touché par la grâce, au paroxysme de son génie, et valorisant plus que jamais sa singulière méthode de direction des acteurs (avec une place bienvenue à l'improvisation et au lâcher-prise dans la durée et le déroulement des scènes). Au risque de me faire incendier par certains, je trouve qu'à côté de ce chef-d'oeuvre, ses autres films semblent presque des brouillons, des oeuvres singulières mais pas aussi abouties que celle-ci qui est profondément brillante, bouleversante, unique. Cassavetes, ça a toujours été du cinéma viscéral, d'une force et d'une sincérité désarmante, avec la captation permanente et réaliste d'émotions et comportements au plus près d'acteurs naturellement habités et transcendés par leur rôle. Et l'on retrouve plus que jamais tout cela dans "Une femme sous influence" (d'ailleurs la seule fois qu'il a été aux Oscars pour sa réalisation, c'était en 1975 pour ce film).