Un générique de lettres blanches, sur le fond bleu de l’écran ou se dessinent, vagues, des formes qui composent une toile abstraite. Des taches, jaunes et vertes, la transforment en patchwork d’où émerge – juste après le nom de Claude Sautet, qui fut peintre et sculpteur dans sa jeunesse- la première image du film, tableau figuratif, dans un cadre de fenêtre, de la vie qui va. Deux femmes parlent d’une grossesse et de son interruption ; l’une, Marie, informe l’autre, médecin, de son choix douloureux, l’IVG.
C’est le début ,en quelques plans, visages et regards, imprégnés d’émotion- d’une histoire simple et vieille comme le monde, celle de la vie humaine, coincée entre le double néant de la naissance et de la mort. Un histoire simple comme « bonjour » reprise de film en film par Claude Sautet, cinéaste des élans du cœur et des blessures de l’âme qui nuancent a l’infini la perception des choses de la vie.
Qu'y a-t-il au-delà du visible, regard et sourires, de ces héros du quotidien ? Que font-ils de leur corps, de leur mains, de leur cœur ? Qui sont-ils, maitres de leur avenir ou esclaves ou milles contraintes ?
La rue et son spectacle, les cages et leur promiscuité, le cercle de famille, en fête ou dans la peine, le monde du travail, entre l’éclatement et la solidarité, la fratrie inquiète des hommes, l’univers féminin , soleil autour duquel gravitent tous les autres, interviennent comme autant de chœurs dans la partition visuelle du film. Exemplaire de ce souci choral, ces nombreuses scènes de repas, amicaux et joyeux, au cours desquels l’un ou l’autre des convives, trahi, brisé, désespéré, plie soudain sous le poids d’un intolérable solitude.
Histoire simple, la vie, souvent, ne tient qu’au fil d’un regard, plongé dans celui de l’être aimé, en quête de celui qui se dérobe ; elle est lovée au creux d’un silence, a l’ecoute du chuchotement de l’indicible, des murmures du mensonge ; elle reprend force et courage dans ces étreintes ou les peaux se transmettent un fluide magique, la foi en l’avenir. Autour des tablées des bistrots, s’échangent des regards qui se cherchent, s’épient, se fuient, s’interrogent.
Cousin éloigné de Renoir et de Becker, Sautet film les expressions les plus fugitives du bonheur et du malheur de vivre, à hauteur d’homme, le regard de la camera, le sien, fraternel et ému, plongé dans celui de ses personnages, et rend du coup ses films si terriblement, si particulièrement attachant.