Mettons immédiatement les pieds dans le plat, puisque j'ai entendu ça et là qu'un mystère était censé planer sur la bande-annonce du film : la nouvelle amie évoquée par le titre est un homme. Le film entend donc traiter de la question du travestissement, voire de la transsexualité. Ce n'est pas réellement étonnant pour un cinéaste de la trempe de François Ozon, amateur de sujets polémiques, sensibles, dérangeants. Cela posé, un sujet, pour complexe qu'il soit, ne fait pas un film. Alors quel regard l’œuvre pose-t-elle sur la question du genre ?

Je dois dire que la première chose qui m'a étonné, jusqu'à me sortir du film parfois, c'est le mélange des genres. On trouve dans le film des moments de comédie ostensiblement kitchs, proches de la comédie de boulevard, à côté de questionnements lourds. Ce choix est loin d'être un mal en soi, mais j'ai trouvé que le film manquait de subtilité dans les deux registres. Les moments comiques jouent sur des ficelles franchement usées (quiproquos, côté efféminé du personnage...) et les dramatiques sont bien trop insistants pour me toucher, avec une mention spéciale au flash-back qui ouvre le film, particulièrement mièvre, qui tranche avec la première image qui met face à la mort.

Il faut rendre justice aux acteurs, qui sont tous excellents. Il est bien entendu que la performance de Romain Duris mérite d'être relevée car c'est la plus voyante, celle qui attire l'attention de par le contraste qu'elle induit entre la virilité de l'acteur et la féminité de son personnage, et que le bougre s'en tire vraiment bien dans un rôle sur le fil, qui risque en permanence de tomber dans la caricature, ce qui le rend fascinant à regarder. Mais il ne faut pas oublier Anaïs Demoustier toute en fragilité et en ambiguïté, ni Raphaël Personnaz qui permet de mettre en valeur la relation malsaine entre les deux protagonistes principaux en proposant un point de vue distancié des questions qui les traversent tous deux.

Comme je l'ai écrit plus haut, François Ozon aime choquer, questionner des situations originales. Il faut lui reconnaître cette qualité dans un cinéma français ronronnant. Cependant il m'avait semblé plus subtil dans ses précédents films. C'est d'autant plus dommage que le sujet est délicat et demande du doigté. Du coup le film laisse un peu le spectateur de côté, ne permet pas de montrer ou d'évoquer les raisons qui poussent le personnage principal à agir comme il le fait. C'est le parti pris d'Ozon que de ne jamais prendre position quant à ses personnages, mais là où j'avais l'impression qu'il laissait des portes ouvertes, ou des zones d'ombre, dans ses précédentes œuvres, j'ai trouvé ici le ton manichéen, les situations un peu faciles. Restent une esthétique originale, une mise en scène forte et des acteurs troubles qui tirent le film vers le haut.
Larsen
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le 16 déc. 2014

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