Après trois films de plus en plus mystérieux (À La Merveille, Knights Of Cup et Song To Song), Terrence Malick revient à un lyrisme panthéiste d’une beauté époustouflante et à une narration beaucoup plus classique.


Une Vie Cachée, présenté à Cannes cette année, raconte l’histoire de Franz Jägerstätter, un paysan autrichien qui a refusé de prêter allégeance à Hitler. Palme d’Or en 2011 pour The Tree Of Life, son nouveau film repartira malheureusement bredouille.


Le réalisateur s’inspire d’une histoire vraie et s’appuie sur la correspondance de Franz Jägerstätter avec sa femme Franziska. C’est grâce aux recherches du pacifiste américain Gordon Zahn que cette histoire sortira de l’oubli. Tourné en huit semaines lors de l’été 2016, la production a pu tourner sur les lieux mêmes de l’histoire de Jägerstätter, à commencer par sa maison, devenu lieu de pèlerinage au fil des années ainsi que dans le village de St Radegund où vivait le paysan et sa famille. Le cinéaste a aussi posé ses caméras dans des églises et cathédrales, d’authentiques fermes d’élevage, de véritables prisons, dont celle de Hoheneck, l’établissement pénitentiaire de la Stasi, et le Kammergericht, palais de justice où de nombreux opposants au régime nazi furent condamnés à mort. Tourné en lumière naturelle « Le soleil est notre éclairagiste » disait Malick, le film s’affirme donc par l’authenticité de chacun de ses plans, une authenticité si chère au réalisateur (on la retrouve d’ailleurs dans toute sa filmographie). Le film dégage une émotion si touchante qu’elle en devient palpable et ce grâce à un casting talentueux.


L’acteur allemand August Diehl incarne avec conviction cet opposant au régime hitlérien. Le parcours de ce héros est christique, le film suit son chemin de croix et Terrence Malick filme en toute pudeur et sans ostentation l’itinéraire de cet homme devenu un martyr. L’homme se questionne, il est en proie au doute, le chemin est long mais il semble guidé par quelque chose de plus grand, de plus intime. Il est impassible et pleinement conscient face à son destin qui s’annonce funeste. Il rencontre des interlocuteurs l’incitant à changer d’avis pour qu’il rejoigne les rangs de l’armée mais Jägerstätter demeure imperturbable et en totale compréhension avec son acte malgré la douleur qui s’inscrit sur son propre visage, celui de sa femme et ceux de ses trois enfants. Rien ne peut le corrompre, Franz ne tournera jamais le dos à ses convictions.


Terrence Malick renoue avec une narration plus accessible que ses précédentes réalisations qui tenaient plus du cinéma expérimental et de la poésie (magnifiques au demeurant). Les paysages et l’environnement dans lesquels évoluent les personnages ont toujours une place prépondérante dans l’histoire et sont sublimés par la caméra envoutante du réalisateur. L’ensemble est porté par la majestueuse bande originale de James Newton Howard qui signe une partition magnétique et dans laquelle il a incorporé à la demande du cinéaste des sons enregistrés au cours du tournage comme les cloches des églises, les bruits de la scierie et de la prison ou encore les faux dans les champs, donnant ainsi un aspect organique à la composition.


Terrence Malick renoue à une narration plus accessible, ses précédentes réalisations tiennent plus de l’expérimentation poétique mais ils sont tout aussi magnifiques. Les paysages et l’environnement dans lesquels évoluent les personnages ont toujours une place prépondérante dans l’histoire et sont sublimés par la caméra envoutante du réalisateur. L’ensemble est porté par la majestueuse bande originale de James Newton Howard qui signe une partition magnétique et dans laquelle il a incorporé à la demande du cinéaste des sons enregistrés au cours du tournage comme les cloches des églises, les bruits de la scierie et de la prison ou encore les faux dans les champs, donnant ainsi un aspect organique à la composition.


Une Vie Cachée est une puissante et sublime fresque sur le destin d’un homme porté par une foi inébranlable en ses convictions. Terrence Malick donne une voix aux humbles, aux inconnus et aux héros oubliés à travers une oeuvre majestueuse et pleine de sens.

Cinématogrill
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le 27 janv. 2020

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