Une vie cachée relate le destin de Franz Jägerstätter, fermier autrichien qui refusa de prêter allégeance à Hitler. Le film s'appuie sur sa correspondance avec sa femme Franziska recueillie par Erna Putz et publiée en anglais par Orbis Books. C'est grâce aux recherches du pacifiste américain Gordon Zahn, qui visita le village où vivait Jägerstätter dans les années 1970, que cette histoire est sortie de l'oubli.


Ce film c'est l'occasion pour Terrence Malick de parler d'un geste de résistance mais aussi et surtout de morale, d'intégrité et de conviction.


Tout l'enjeu c'est de comprendre ou d'essayer de se mettre à la place de Franz, le personnage principal, dont l'attitude peut paraître bornée, égoïste, vaniteuse.


Une vie cachée a la faculté de remettre constamment en question, d'interroger tout un chacun face à un dilemme, une croyance.


C'est notamment, le portrait d'une famille et d'une femme en particulier, l'épouse de Franz, qui est directement confrontée au choix de son mari, choix qu'elle accepte par amour et respect, choix qu'elle subit tous les jours, non sans difficultés.


Sur cet arrière fond de Seconde Guerre mondiale, le cinéaste arrive à dessiner les traits d’un film de guerre sans jamais mettre les pieds sur le front, au coeur des combats.


On est dans l'intime, dans le détail de l'humain dans tout ce qu'il a de plus beau et de plus laid. La mise en scène, toujours aussi mouvante, capte avec poésie les moindres faits et gestes du quotidien. La puissance d'évocation malickienne est à son apogée, le lyrisme est plus intense et sublime que jamais.


La musique ainsi que la lumière, naturelle, s’occupent de magnifier ce que les mots ne pourraient retranscrire. La nature n'est pas seulement un décor, la montagne devient un véritable personnage à part entière.


Aussi, le couple formé par les deux acteurs est des plus convaincants. Dès le premier instant, on est avec eux, on ressent les vibrations qui s'échappent de leurs corps, le bonheur qu'ils partagent à chacune de leurs étreintes, on vit leur séparation comme une véritable déchirure, leurs retrouvailles comme un soulagement.


J'ai été émerveillée par l'humanité et l'universalité débordante qui se dégage de ce film. J'étais plongée dans cette histoire pendant les 2h54 et je n'ai pas vu le temps passer.


Toutefois deux points négatifs viennent quelque peu ternir l'ensemble : tout d'abord l'utilisation systématique du grand angle qui, si elle permet une représentation hallucinante et sublime des paysages, déforme les visages et dérange plus qu'elle ne séduit. Ensuite, le fait que Malick est fait le choix d'un casting germanophone à qui il a décidé de faire s'exprimer en anglais.


Pour ma part, je ne me suis pas plus attardée que cela sur ces "erreurs" et je pense qu'il est tout à fait possible de passer outre même si, c'est vrai, le film aurait été encore plus grandiose sans.


En conclusion, ce dernier long-métrage de Terrence Malick est le parfait équilibre entre la narration de ses premières oeuvres et ses expérimentations visuelles plus récentes.


Dans le même genre, je vous conseille notamment Tu ne tueras point de Mel Gibson (dont j'avais fait la critique en janvier 2017) et Silence de Martin Scorsese (dont je vous avais parlé dans un article cinéma du mois de mars 2017).


Informations supplémentaires sur Une vie cachée :



  1. Pour reconstituer les décors et les lieux fréquentés par Franz Jägerstätter de son vivant, le chef-décorateur Sebastian Krawinkel a parcouru les lettres et les archives disponibles. Certains sites ont été repérés avec un an d'avance pour pouvoir les filmer à la bonne saison.


  2. L'équipe a décidé de n'utiliser des lumières artificielles que quand cela était nécessaire. Il a donc fallu s'adapter à la lumière du jour et observer l'exposition de chaque décor selon le moment de la journée.


  3. À la demande de Terrence Malick, le compositeur James Newton Howard a intégré dans sa musique, des sons enregistrés par le réalisateur au cours du tournage "comme les cloches d’églises des villages, et celles des vaches et des moutons, les bruits de la scierie et de la prison, ou de la faux dans les champs. J’ai utilisé plusieurs de ces sons et les ai traités comme des éléments musicaux que j’ai incorporés à la musique du film".


SybilleGuerriero
8

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Créée

le 7 sept. 2020

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