Paroxismus
6.4
Paroxismus

Film de Jesús Franco (1973)

Attention, ce film de Jess Franco n'est pas une adaptation de l'oeuvre de Sacher-Masoch. La dernière jaquette est d'ailleurs trompeuse car Klaus Kinski n'a ici qu'un second rôle. Les références au livre se limitent à la fourrure, un coup de fouet, le prénom Wanda attribué à la Vénus et un bref passage où un maître choisit d'échanger sa place avec une esclave, autant dire que le thème du film ne s'en approche pas réellement. Il est ici surtout question d'une obsession sexuelle exercée par une femme supposée morte qui revient voir ses violeurs qui l'ont tuée. Une forme de rape & revenge singulière, la violence qui caractérise habituellement ce genre est remplacée ici par une tension érotique.


Au milieu des morceaux de jazz et des déambulations sur la plage, on assiste donc aux apparitions fantomatiques de cette femme dont on ne sait pas si elle est réelle ou imaginaire, qui plane devant le personnage qui sert de témoin et devant ses bourreaux. Elle n'a pas de personnalité propre car elle n'a presque pas de parole, ce n'est qu'une présence qui hante le film. Elle attaque ses victimes là où ils ont fauté : en incarnant une figure érotique éternellement inaccessible. Ses interventions tiennent beaucoup des films de fantômes asiatiques, exprimant le malaise d'une situation surnaturelle. Mais elles remplacent l'horreur par l'érotisme, en gardant un traitement similaire qui rapproche ces deux genres. Il y a un crescendo de la tension qui est géré de la même façon que si le but avait été de faire naître la peur. Les effets se multiplient, tantôt hasardeux tantôt très réussis (les miroirs qui ne dédoublent que le regard pénétrant de Maria Rohm), le racolage est esquivé et on voit la victime qui se trouve submergée par l'arrivée inéluctable de sa petite (mais réelle) mort. Exactement les mêmes codes que dans le cinéma d'épouvante, si ce n'est que la peur de la mort est remplacée par l'impuissance à accomplir ses désirs. Et ça marche.


Si les effets de distorsion ou les filtres colorés en fin de film ne m'ont pas toujours convaincus, le film propose tout de même beaucoup de choses pour installer son climat irréel. Il profite notamment de Maria Rohm qui en impose en vengeresse glacée. Elle plane et ne se retourne pas, son visage ne trahissant aucune haine incontrôlée qui amoindrirait sa force. Je ne suis cependant pas pleinement convaincu par le personnage principal joué par James Darren. Son parcours est peu mouvementé et ses moments intimes avec Wanda marquent peu. On ne saisit pas bien son malaise, en dehors de la question de l'existence de Wanda. La fin brouille les cartes et je n'arrive pas à voir où voulait en venir Jess Franco. Enfin si, il montre un personnage désorienté par la drogue qui mène une vie sans lendemain et qui ne s'y retrouve plus entre le fantasme et la réalité. Mais j'ai l'impression que Jess Franco veut surtout parler de la force insurmontable de l'obsession, sans que je comprenne comment il relie ce thème avec cette fin. Il faut aussi aimer le jazz, le film passe beaucoup de temps dans des bars à juste nous faire profiter des sons de trompettes.


Jess Franco a une filmographie à la qualité très hétérogène et ce Venus in furs fait partie de ses réussites. Érotique mais assez soft, sa lenteur et son ambiance le rendent entêtant. Il suinte les années 60-70 par tous les pores, mais il bénéficie d'un personnage qui a une véritable aura. Et ça, ça suffit à donner une âme à un film.

thetchaff
7
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le 13 avr. 2017

Critique lue 330 fois

3 j'aime

thetchaff

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