Aussi pudique dans le ton que brut dans les thèmes abordés

"Ça ne se fait pas de faire un travail d'homme.
Ça ne se fait pas de parler avant un homme.
"Ça ne se fait pas d'aller dans la forêt sans un homme.
Ça ne se fait pas de boire comme un homme.
Ça ne se fait pas de tenir un fusil.
Ça ne se fait pas de regarder un homme en pensant à le contredire.
"


Dans les montagnes glacées d'Albanie, plus encore qu'en d'autres endroits du globe, il ne fait pas bon être une femme. La domination masculine est totale. Le jour du mariage, le père de la mariée remet à son gendre une balle. Si sa femme désobéit, l'époux est supposé utiliser cette balle.


Hana ne supporte pas cette oppression, sa soif de liberté autant que son esprit rétif l'opposent violemment à la société. Elle choisit donc la seule voie qui lui permettra d'échapper au mariage et à la dictature patriarcale : devenir une vierge sous serment... socialement, un homme.


Se couper les cheveux. Bander sa poitrine. Ne porter que des vêtements masculins. Boire, fumer avec les hommes. Parler avant les femmes, leur commander, les corriger quand elles manquent de respect aux hommes, les ramener chez leur mari en cas de fugue.


Hana devient Mark, un être singulier et marginalisé, qui dérange et interroge.


Vergine Giurata se révèle rapidement un film aussi pudique dans le ton que brut dans les thèmes abordés. Bispuri lui apporte une mise en scène maîtrisée, presque scolaire par moments mais pleine de retenue, apportant la clarté nécessaire à une histoire dense et non linéaire.


Production italienne/suisse/allemande/albanaise/kosovar, le long métrage tient par ses décors autant que par son découpage, et compte également la photographie au nombre de ses points forts. Son étude presque naturaliste du rôle ambivalent de Mark/Hana, à la fois extrêmement privilégié-e et marginalisé-e, progresse presque sans paroles. Ici, chaque silence a son poids. Mais tout cela ne serait rien sans le principal, les personnages, tout en nuances, à fleur de peau, accompagnant le rapport de Mark/Hana au corps et à la société ; toutes ces figures sont sublimement interprétées par des acteurs convaincus, immergés dans leur rôle, transcendés.


Une œuvre touchante, à ne pas manquer.

R_Lafarge
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Créée

le 17 août 2016

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R_Lafarge

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