Puisque le titre y incite, on remarque rapidement que Vincent est dans son élément dès lors qu’il est dans l’eau. C’est ce qu’il apprécie en arrivant dans le sud de la France. Il explore avec un grand naturel des sites où il aime bien la solitude, les gorges du Verdon par exemple. Vincent (Thomas Salvador, scénariste, acteur et réalisateur) est du genre baroudeur, la trentaine. Il est mince, presque maigre (surtout des membres), mais c’est surtout qu’il ne traine pas un poil de graisse. Il doit faire 1,75 m pour un maximum de 60 kg tout mouillé.


Bien évidemment le réalisateur cherche à nous emmener du côté du fantastique, genre où toute explication est généralement superflue. L’idée centrale est plutôt originale, Vincent voit ses forces décuplées lorsqu’il est en contact avec l’eau (l’élément originel de la vie, symbole de pureté). Ennoncé ainsi, on se demande vraiment ce que cela peut impliquer et surtout comment Thomas Salvador peut représenter cela sur l’écran. La promotion vise gentiment du côté des super-héros. Vincent tient un peu de Popeye, du Marsupilami mais aussi d’Astérix et Obélix, comme quoi... Oui, les références BD viennent en tête quand on voit le film. Mais, toujours se pose la question des moyens de représentation. Il s’agit d’un premier film, financé en partie grâce au système de l’avance sur recettes et produit par la grande sœur du réalisateur. Le manque de moyens financiers se sent à l’écran. On ne lorgne pas du tout du côté des effets spéciaux façon blockbuster hollywoodien. On est bien dans un bricolage à la française (le générique de fin précise que Thomas Salvador a travaillé les arts du cirque), qui ne fait pas dans la surenchère mais qui fonctionne bien, car les trucages restent indétectables. De plus, Thomas Salvador a une bonne approche du fantastique, par touches progressives qui titillent le spectateur. D’abord, c’est presque imperceptible, puis impossible à nier. Il y a quelque chose, mais quoi ?


De deux choses l’une, vous avez vu la bande-annonce ou pas. Si vous l’avez vue, elle vous a sans doute intrigué, comme moi. Vous avez alors une idée de ce que Vincent est capable de faire. Vous avez également un aperçu du meilleur que propose ce film. Sinon, imaginez qu’un soir d’été Vincent entraîne la charmante et très nature Lucie (Vimala Pons, aperçue récemment dans Terre battue) à la piscine municipale déserte. Dialogue minimal (Vincent n’est pas un bavard), juste ce qu’il faut pour sentir que les personnages s’observent avec intérêt. Vincent demande à Lucie de ne rien dire de ce qu’elle verra. Il enlève T-shirt, chaussures et plonge (dans le sens de la largeur du bassin). La surprise, c’est sa façon d’émerger sur le bord, de l’autre côté. Ébahissement de Lucie qui marque un temps d’arrêt (qui permet au spectateur de sourire, d’évaluer la situation et de guetter la suite), puis demande « Et tu peux le refaire ? » Il peut et le montre. Là, le spectateur s’amuse vraiment. Ensuite, une autre scène avec les deux mêmes au lit, provoque un nouvel amusement en écho au précédent. Aucun dialogue, mais des gestes et un sourire. Bien vu Thomas Salvador. Belle ambiance nocturne à la piscine, beau sens de l’espace et de la respiration des scènes.


L’histoire d’amour entre Lucie et Vincent vaut avant tout pour les échanges de regards (les yeux brillants de Lucie). Thomas Salvador nourrit également son film de la vie dans un village du sud-est ainsi que de situations de travail sur un petit chantier (maçonnerie). Cependant, on a envie de lui suggérer, comme dit le contremaître « Vincent, ce serait bien que tu passes la seconde » (sous-entendu vitesse). Parce que tout cela reste très bon enfant, notamment la (longue) course-poursuite avec les gendarmes. Émaillée de quelques gags tous dans le même style, la fuite de Vincent est la conséquence du geste que notre héros a eu pour tirer un copain d’une situation qui sentait franchement le roussi. Le réalisateur réussit à faire rire de cette situation dramatique, en montrant l’usage que Vincent fait d’une bétonnière qui traine à portée de mains (une bétonnière !)


Le film est donc sympathique et construit autour d’une idée originale qui séduit. Même si Thomas Salvador a le mérite de la concision (1h19), le regret est qu’il se soit contenté de cette (belle) idée et que l’histoire se termine en queue de poisson. Sinon, le réalisateur se montre capable de mettre en valeur un personnage hors normes, de filmer avec un rythme personnel permettant aux personnages de réfléchir avant de parler, effet assez particulier à la clé. Sa façon de filmer la nature est prometteuse (belles couleurs naturelles).

Electron
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le 18 févr. 2015

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