Probablement le deuxième meilleur film récent sur la banlieue après Les misérables

Si l’adynamisme de ce début d’année ciné ne m’a inspiré qu’un ennui poli, il y a pourtant bien quelques titres qui essayent de tirer leur épingle du marasme ambiant. Ce n’est pas pour ça qu’ils y arrivent, mais comme on vient de le dire, ils essayent.


Après une généreuse tournée en festival (Gerardmer, Neufchatel, Etrange festival et même semaine de la critique à Cannes qui a probablement voulu retenter de s’acoquiner au genre après Rubber de Dupieux ou Grave), Vivarium arrive au cinéma dans une semaine à la programmation a priori pétillante comme un chips sans sel. Et s’il s’agit d’une des tentatives les plus franches et honorables de nous offrir une succédanée de la 4ème dimension qui ne s’excuse pas une seule seconde de proposer un trip SF rétro, on se retrouve au final avec un déroulé parfaitement attendu, faisant du vieux avec du vieux.


Evidemment j’ai aimé, beaucoup même, car ça a l’innocence parfois sadique d’un sérial pulp des années 80 sans nous infliger des coupes mulet ou du retrogaming strangerthingesque tout en nous faisant oublier 5 minutes les retraites et le coronavirus (à moins qu’un vieux tousse dans votre salle, ce qui ne me concerne pas car je vais aux séances blogueurs et ils ont tous 15 ans). Même les critiques de la société que l’on lit en filigrane, la télé qui abrutit et la peur des jeunes adultes qui cherchent leur première maison, sentent la naphtaline périmée, on y est bien comme chez mémé c’est à dire qu’à petites doses on adore mais on n’y passerait quand même pas nos vacances. A côté, la banlieue glauquissime tirée d’une pub kinder étalonnée par un monomaniaque du vert pomme (je suis ici un brin mauvaise langue, la photo s’offre des instants de grâce) et les petites surprises qui peuplent le récit battent sans soucis le registre de l’angoisse existentielle pour faire monter le suspense, voire le cauchemar. Rien à dire, c’est propret, y compris quand il vaudrait mieux pas.


Vivarium nous ressert donc avec un plaisir communicatif le postulat d’un couple de Mr et Mme tout-le-monde (Imogen Poots et Jesse Eisenberg, dont l’alchimie fonctionne correctement pour leur troisième fois à l’écran ensemble après le catastrophique Solitary Man et le sympa The Art of Self-Defense) dans une situation impossible proche de l’exercice de pensée, soit la caverne de Platon mais pour les gros nerds, où l’on va observer cet échantillon d’humanité malgré eux se demander où ils sont, comment ils sorte et leurs réactions face à la situation tellement alien qu’elle s’abîme dans l’absurde. Façon animaux dans un vivarium ? Exactement, nous aussi on a compris le titre.


S’il serait criminel de gâcher les surprises de la première moitié du récit – ce que la bande-annonce fait sans pitié aucune, vous êtes prévenus – le récit a le tort d’installer sa situation avec panache, en multipliant les instants malins, pour virer au slow burn quand l’histoire semble commencer pour de vrai. L’intrigue ralentit, essaye des choses sans les pousser, rate dans les grandes largeurs l’évolution du personnage campé par Eisenberg, accouche enfin d’un final mi-feu d’artifice mi-pétard mouillé.


Si je retiens un souci, ce sera celui-là, Vivarium ne dit pas tout mais en dit trop quand même, et ce dès la métaphore énorme, appuyée et fine comme une tribune dans Libé qui ouvre le film. Le spectateur n’aura pas de questions en sortant, pourra parler du gamin flippant cinq minutes autour d’une pinte puis calculer mentalement combien de séances il lui reste à faire ce mois-ci pour rentabiliser sa carte UGC-Gaumont-Carrefour-MK2.


Souffrant d’un petit manque d’idée malgré un postulat qui a tout ce qui faut sur papier, Vivarium n’est pas Coherence ou The endless et encore moins Dark City. Dans un monde où A24 nous balance bombe sur bombe tous les six mois, difficile de s’extasier même si note son réalisateur Lorcan Finnegan dans la catégorie rebattue des “genzasuivre”. Vivarium est comme Fonzy, cool mais désuet.

Cinématogrill
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le 3 mars 2020

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Cinématogrill

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