Si je conçois que ce film ait été un succès à sa sortie tout de suite après la fin de la guerre du Vietnam, les 3h qu'il dure ont été pour moi, spectateur moderne, un supplice. J'attendais impatiemment une amélioration au cours du film, qui aurait justifié sa réputation. Mais non.


L'intrigue est téléphonée. On ne s'attend pas du tout à ce que De Niro rate le daim après être revenu du Vietnam. On ne s'attend pas non plus à ce que John Savage accepte de revenir auprès de ses proches au lieu de rester à l'hôpital. Et, le plus gros de tous, on ne s'attend pas du tout à ce que Christopher Walken, après avoir survécu pendant des mois, ait soudainement un coup de malchance à la roulette russe alors que son ami De Niro est venu le chercher.


Justement à propos de la roulette russe. Celle-ci est d'abord censée cristalliser la tension et romancer le récit ; cela peut s'entendre puisque l'essentiel des combats au Vietnam étaient retransmis à la télévision américaine. Mais, d’après Philippe Rouyer, elle représenterait aussi l'aléatoire de la mort à la guerre. C'est très réducteur. A la guerre, comme dans à peu près toutes les activités humaines, il y a une part de chance. Mais soutenir que revenir ou non d'une guerre est aussi aléatoire que le résultat d'une partie de roulette russe, c'est-à-dire parfaitement aléatoire, revient à nier le mérite individuel des soldats, l'utilité de leur entraînement ou encore le talent stratégique des officiers.


Si les morts de civils et l'usage du napalm lors de la guerre du Vietnam sont bien établis, la violence gratuite des soldats américains dans le film paraît exagérée. Mettre une bombe dans un abri enterré où sont réfugiés uniquement des femmes et des enfants, se barrer et laisser le tout exploser est le comble de l'horreur. Apocalypse Now paraît bien plus pertinent dans la représentation des combats. Tous les personnages secondaires sont aussi des caricatures. Le Français qui balance, le plus sérieusement du monde, ''Quand un homme dit non au champagne, il dit non a la vie''. Idem pour la prostituée qui reçoit son GI avec son bébé juste à coté du lit destiné aux ébats.


Pour résumer, voir Cimino nous montrer, non-ironiquement, des Américains d'origine russe se bourrer la gueule et jouer à la roulette ... russe est déplaisant voire odieux. Sa présentation, pour le moins peu flatteuse, des Français et des Vietnamiens l'est tout autant. Mais ce n'est pas grand chose comparé à la scène finale qui m'a achevé. Après que la guerre du Vietnam a fait énormément de victimes, dont une part significative de civils, s'est fait remarquer pour sa cruauté (notamment l'usage notoire du napalm qui serait actuellement prohibé par le droit international), il faut quand même chanter à l'unisson "God Bless America". Le sordide de ce film devient grotesque, tellement tout est grossi, non pas à la loupe, mais au microscope.


Que Cimino ait souhaité ou non, par ces exagérations, critiquer le patriotisme américain ne change rien à la grossièreté du scénario. Apocalypse Now est, via l'officier d'élite déserteur Kurtz, beaucoup plus subtil en la matière. Quant à l'expérience de la guerre, supposée être le theme principal, je ne l'ai pas trop ressentie, si ce n'est à coups de gros lieux communs ; la fin de Full Metal Jacket présente une réflexion moins évidente.


P.S. : Dans un effort pour souligner le positif, quelques scènes, dont celle du mariage, sont sympathiques. La bande-son est entraînante. Les scènes sont très peu truquées. Notamment, toute la séquence avec l'hélicoptère est réelle. Mais pour moi le principal mérite du film reste d'être sorti au bon moment, avec De Niro, déjà très célèbre, dans le casting pour lui faire sa pub.

vincentbirobent
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le 6 sept. 2021

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