Autant dire que je suis allé complètement à reculons voir ce produit qui sert assez ostensiblement de bannière au jeu afin d'initier les derniers dinosaures n'ayant pas entendu parler de la franchise. La bande annonce débordait du syndrome d'épicose ainsi que d'une inévitable comparaison avec le seigneur des anneaux. Le résultat est moins radical et même réussi sur certains points, mais tout de même, c'est pas franchement la joie.


Si on commence par les mauvais points, c'est par l'épicose aigue. Un petit qualificatif que j'emploie pour parler du monde du jeu vidéo de ces dernières années. Ces derniers se livrent tellement à une surenchère d'actions épiques ou badass dans leurs cinématiques que l'on en vient à saturer de tout cet épique de pacotille qui ne sert pas à grand chose de plus que de faire passer une trame narrative sommaire ou des clichés rebattus. Diablo III est une parfaite illustration du phénomène, avec ses cinématiques somptueuses qui laissent complètement indifférent, sans qu'on se sente concerné une minute ou impressionné. Il y a de cela dans Warcraft, et dans le film également. Toutefois, le scénario a eu l'intelligence de nuancer le fond, notamment durant des dialogues qui entourent les combats et les confrontations (régulières pour donner le spectacle promis). Ainsi, concernant notre protagoniste orc en plein dilemme sur la magie verte de son commandeur, l'incertitude entourant son fils (sauvé et potentiellement corrompu par cette magie) vient étoffer ses choix (la mise en scène de l'enfant de la bande annonce trouve ici bien plus de profondeur). Il en va de même pour l'hybride orc qui cherche sa place dans un monde divisé. C'est probablement les humains qui restent les plus sommaires, d'inspiration globalement occidentale (franque, chevalier liés avec des peuples du nord nanesques). Les grands absents sont donc les oreilles pointues, venant cachetonner au cours d'une scène de conseil. Mais l'univers de warcraft ne pouvait être développé en un seul film, et d'ailleurs, les règles qui dirigent cet univers sont expédiées abruptement et ont un désagréable effet d'accumulation complexe (la séquence chez les archimages qui part vers un obélisque 2001 qui nous dirige vers une entité surpuissante enfermée dans une dimension parallèle)... Cette complexification très technique accompagnée d'une absence totale de sentiments (ils sont seulement de surface, assez pour qu'on comprenne ce qui dirige les personnages sans jamais tenter de communiquer cet état au spectateur (les colères simulées, les amourettes à l'abri des regards, les confessions au coin du feu...)) est ce qui mine les jeux vidéos et les films de hard science. Et maintenant l'héroïc fantasy, qui à force de vouloir livrer les codes de son univers, en vient à oublier d'avoir une âme, mélancolique chez les elfes du seigneurs des anneaux par exemple, une identité de façon diffuse, même un peu manichéenne. Les codes sociaux tribaux des orcs sont une façade assez rudimentaire, si l'on considère qu'ils peuvent avoir des réflexions intelligentes comme notre protagoniste de cette race. Les humains sont eux transparents. Et c'est bien la sécheresse émotionnelle qui au final rend l'expérience warcraft décevante. Ce côté sec est d'ailleurs souligné par le numérique, au rendu convaincant, mais qui est justement tellement travaillé qu'il en perd la sensation du réel pour justement trop rappeler les univers colorés du jeu vidéo. Tout sent le faux même quand c'est filmé en vrai. Ce n'est pas tant le blasage du tout numérique que la sensation de voir le tout numérique, où on se dit que finalement, c'est juste l'argent qui fait le film et qu'il y a moins de talents humain derrière le projet (sans vouloir lyncher les info graphistes et les programmateurs, pianoter sur un clavier n'est pas sculpter ou donner vie). On peut avoir envie d'un divertissement à pognon, mais j'avoue que dans un univers pareil, l'absence de proximité sentimentale ou d'identité originale (c'est le fan de dark crystal qui parle) laisse sur la faim, malgré quelques bonnes tentatives pour épaissir et quelques jolies séquences où le numérique fait son boulot. Trop moderne pour les puristes de l'héroïc fantasy, mais cohérent avec les tendances actuelles (surtout qu'il y a un filon à reprendre après la gueule de bois de The Hobbit).

Voracinéphile
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le 16 juil. 2016

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Voracinéphile

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