"Il n'y a pas d'intérêt. C'est justement l'intérêt"

Belle surprise pour ce film qui m'avait d'abord laissé de glace suite à la bande annonce. Grossière erreur. Malgré une réalisation poussive qui joue un peu trop les codes visuels - ce qui en devient lassant et un peu écoeurant - la dimension psychologique de ce film est passionnante.

Eva est une mère comme on en croiserait dans la vraie vie. Elle aime un homme, est heureuse dans sa vie et n'a pas spécialement envie d'enfant. Sa grossesse n'est pas un bonheur, son accouchement est une horreur et les premières années de son fils sont atroces tant il pleure. Son histoire est l'histoire de tellement de mère, qui sont avant tout des femmes et des êtres humains et qui se retrouvent avec le lourd fardeau que vous renvoie chaque jour la société : avoir un enfant est une bénédiction, vous ne pouvez qu'aimer votre enfant.

Que le film est juste par rapport aux sentiments de cette mère perdue qui voit son fils vrillé en grandissant, se transformant de petit monstre insupportable en véritable sociopathe manipulateur à l'intelligence aiguisé. Car si Kévin a réellement des problèmes, on se rend compte en lisant derrière le film, que ce gamin n'a jamais été regardé et aimer pour ce qu'il est. Eva "aime" son fils parce que c'est comme ça, la société le dit, mais elle ne l'a jamais véritablement aimé SON fils.

Ce petit garçon était vu par sa mère comme la cristallisation de tout ce qu'elle avait perdu et son père ne le voyait que comme il avait envie de le voir. Mais qui regardait vraiment Kévin. Personne. Kévin a été depuis le début ce que son père voulait qu'il soit et avec sa mère il a été cet enfant terrible qu'elle a toujours vu en lui.
Au fil de film, il est troublant de voir que ce que Kévin rejette le plus, c'est le MENSONGE. Il n'a jamais été aussi loyal et agréable avec sa mère que lorsqu'elle était honnête. Malade, elle s'est vraiment inquiétée pour lui. Quand elle l'a jeté par terre, elle était vraiment en colère. Et à la fin du film, pour la première fois, elle l'a vraiment regardé et l'a vraiment écouté.

Car Eva comprend à la fin qu'elle et Kévin sont pareils. Ils vivent dans une vie de mensonge, qui ne leur plait pas et mentent à leur entourage constamment. Kévin le sait et se laisse détruire pleinement avec ce mensonge. Alors qu'Eva se ment à elle-même et se détruit sans s'en rendre compte. En ne vivant qu'à travers le mensonge, ces personnages se sont déshumanisés de telle sorte que la vie d'Eva ne tourne plus qu'autour de Kévin et inversement.

Kévin est un psychopathe. Un profond psychopathe. Mais assez intelligent pour ne pas avoir de vraies tendances psychotiques. N'éprouvant pas ou peu d'émotions, il est devenu l'éponge de sa mère. Ce mensonge a fini par la bouffer et il agit en catharsis pour détruire ce mensonge. Le père idiot qui se voilait la face, la petite fille parfaite qui aurait dû être le seul enfant etc.. Tout est inconfortable dans la vie d'Eva. Kévin décide de tout détruire.

Ce n'est qu'à la toute fin qu'Eva se rend compte de ce que voulait Kévin. Regarde moi maman, écoute moi comme je suis et pas comme tu voudrais que je sois. Pour la première fois, en serrant Kévin dans ses bras, elle n'a pas seulement embrassé Kévin. Elle a aussi embrassé son petit garçon.