We need to talk about Kevin n’est pas qu’un petit projet noir, c’est un film sombre et oppressant, qui laisse son spectateur écorché, encore à vif de ce qu’il vient de voir. L’intelligence de ce film est de ne pas se concentrer sur la violence physique, mais plutôt sur la violence psychologique, qui elle, est à son summum.

Tilda Swinton y livre une grande composition, dans ce qui sera sûrement l’un des plus grands rôles de sa carrière. L’actrice y interprète une femme, une mère, un être brisé par le drame. Ce personnage est complexe. Avant mère peu attentionnée, maintenant femme brisée, le cheminement est trouble. En effet, l’une des forces du film de Lynne Ramsey est d’entremêler passé et présent. Le spectateur est informé ce que Eva est devenue, sait comment elle était avant, mais sans en comprendre le pourquoi.

Le pourquoi, ou même le « contexte » comme il s’auto-présente dans le film s’appelle Kevin. Que vous le voyiez comme un fils mal-aimé ou un fils dérangé, Kevin est intriguant. Le petit, malgré quelques touches d’affections apportées par sa mère, s’est replié sur lui-même. Il développe une sorte de haine pour la figure maternelle, tout en glorifiant le père. Est-ce cette haine qui le poussera à commettre l’irréparable ? À quel niveau Eva peut-elle être qualifiée de responsable de la folie de son fils ? Comme la mère en détresse, le spectateur ne dispose pas de réponses évidentes. On ne peut savoir si c’est la seule folie de l’enfant qui a guidé ses actes, ou si c’est un acte désespéré lié au manque d’amour maternel. Eva n’a pas toujours été une bonne mère. Les cris incessants de son fils l’ont fatigué, elle regrette le temps de sa liberté, mais chérit malgré tout son enfant et sa famille.

Pour faire face à Tilda Swinton, plusieurs acteurs prêtent leur visage à Kevin. Le jeune garçon à l’âge décisif est interprété par Ezra Miller, qui est parfaitement inquiétant et glacial. En exposant les rapports conflictuels entre une mère et son fils, le film est étonnamment dérangeant. Peut-être est-ce dû au fait que les protagonistes sont difficiles à cerner, tant ils semblent humains.

La mise en scène de Lynne Ramsey est également remarquable. J’ai remarqué une omniprésence de la couleur rouge pour les scènes où Eva est présente, avec la forte symbolique qui va avec : passion, douleur, danger. Lorsque Kevin est à l’écran, le rouge s’atténue pour laisser place au jaune, couleur de la tromperie et du mensonge. Cette idée de couleurs me semble renforcée lorsque Kevin est malade, se rapproche de sa mère et troque ses polos jaune contre un peignoir rouge. Peut-être que je suis en train de partir trop loin, mais je trouve qu’exprimer des choses par le biais des symboliques des couleurs est fascinant.

En bref, We need to talk about Kevin est une pépite, un objet sombre et oppressant, mais également un superbe portrait de femme brisée, qui mérite d’être vu au moins une fois dans sa vie.
mewnaru
8
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le 27 mai 2014

Critique lue 333 fois

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mewnaru

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