Encore une bonne raison de ne pas appeler son fils Kevin

Eh oui, on connait tous un Kevin qui fut un petit con étant gamin, au point que le nom est devenu expression consacrée. Ce Kevin là pourtant, fait froid dans le dos. L'histoire d'un gosse qui, dès son plus jeune âge, décide qu'il déteste sa mère et adore son père. Sans pitié, ce film est bien foutu, en plus.
D'un rythme très posé, "WNTTAK" maintient l'attention du spectateur par d'habiles effets de narration. Présent, flash-back et flash-forward se succèdent dans une fluidité qui jamais ne trouble la compréhension du récit.
Le film est d'une grande beauté formelle, aux décors travaillés et épurés. Parfois, il prend des airs poseurs, un brin auteuriste, et se perd donc à nous asséner des symboles et métaphores surannés, comme l'omniprésence du rouge annonciateur du drame, la pose christique de la mère, etc...
Ce récit glaçant est porté par des acteurs doués, Ezra Miller et son visage en couteau à faire peur, Tilda Swinton qui n'a toujours pas peur d'apparaître sous un jour fatigué et sué.
Globalement acclamé, on reproche parfois à ce film de perpétuer des clichés sur la violence des enfants. Pourtant, un unique plan sur le gosse en train de jouer à la console ne suffit pas à étayer cette idée. La grande force de "We need..." est qu'il ne donne aucune explication. Cette relation empoisonnée était-elle prédestinée? Le comportement distant de la mère l'a-t-il conforté? La faute au père qui offre un arc à son fils au comportement de moins en moins empathique? La faute à la famille qui ne voit pas ou ne veut pas voir la manière dont Kevin planifie un final dramatique? On sort de "We need" avec une seule idée obsédante: et si ça m'arrivait vraiment?