Welcome to New York, c’est un peu la mise en abime du fait divers. Le fait divers dans le fait divers. La première scène du film est symptomatique de cet enchevêtrement. On y voit Depardieu expliquer à de faux journalistes qu’il déteste les politiciens mais qu’il aime jouer le rôle de personne qu’il méprise. A ce moment-là, on se demande qui parle réellement : Depardieu lui-même ou Depardieu jouant Depardieu. Scène paradoxale d’hypocrisie tout en restant plus ou moins anodine. Le générique démarre alors et Abel Ferrara étale son propos avec ses gros sabots dans un montage foutraque d’images portant sur l’argent, le pouvoir, l’Amérique. Rien de nouveau sous le soleil dirons-nous et ça plante le décor d’un film assez bas du front. Puis le film commence enfin et va se dérouler devant nous une œuvre en deux parties presque distinctes. Une première partie où l’on voit Mr. Devereaux (DSK) faire rugir la bête qui est en lui, dans son environnement de prédilection : les partouzes où le rapport homme/femme est cloisonné, fait de putes futiles et de riches profiteurs dans des hôtels de luxes. Le pouvoir, la hiérarchie se met directement en place.

Le film a cette faculté de ne pas trop se prendre au sérieux, dévoilant aux premiers abords un aspect parodique assez cheap mais plaisant, faisant étalage avec parcimonie de personnage écrit de façon grossière, tout droit sorti d’un mauvais film érotique. Tout de suite, quelque chose saute aux yeux : Depardieu. Difficile de le rater, c’est certain, mais on le sent en roue libre presque content d’être là, cela en est presque euphorisant, où il prend plaisir à tripoter de la gonzesse, à claquer du fessier bien ferme et à simuler des orgasmes outranciers avec ces grognement saugrenus dignes d’un phacochère comme l’atteste cette première fellation hilarante. Le « bestiau » est à la fois agonisant mais attachant. Puis le film s’essouffle déjà, au bout de quinze minutes, tel un éjaculateur précoce. Une scène, deux scènes de partouzes se suivent et se ressemblent pour arriver à la séquence avec la fameuse femme de chambre où Ferrara ne détournera pas le regard et impose tout de suite sa sentence ridiculement grossière, restant droit dans ses bottes dans le portrait de monstre et de bête assoiffée de sexe qu’il raconte : Mr. Devereaux violera la femme de ménage. Bizarrement, on rigole, d'une fiction peut être pas si éloignée de la réalité. Intriguant.

Le traitement sera le même avec l’épisode concernant Tristane Banon, tentative de viol aussi. Ferrara prend parti, ça gênera certains, d’autres s’en ficheront complètement. La sacro-sainte vérité, est-ce si important ? Non, en tout cas, pas pour moi. Le film prend une autre envergure, un peu plus solennelle presque dénonciatrice d’un système pendant presque 1h30 où s’accumule les séquences procédurières anecdotiques avec les avocats, les journalistes, les mises en garde à vue (excellente scène de duel de regard entre lui et un autre prisonnier dans une cellule où il grognera tel un cochon fier et autoritaire). La bête est sous l’échine et va devoir s’exiler dans un duplex immense payé par son épouse. Épouse n’est pas réellement le mot qui convient au regard de l’appropriation du personnage qui n’a rien d’humain ou presque pas. Ferrara ne montrera pas une femme détruite, déçue et apeurée d’être la cocue de service. Anne Sinclair, ou son double, est le symbole de cette corruption financière, avide pouvoir, autoritaire, aux origines pointées du doigt. Ca généra certains aussi. Sa seule déception : que son mari ne puisse plus se présenter aux présidentielles. Un acte manqué. L’humain détruit l’humain.

Avec cette dualité et relation pas des plus intéressantes, Ferrara aurait dû se concentrer uniquement sur Depardieu, qui nous expliquera que la corruption de ce milieu financier aura eu raison de son idéalisme. Il est malade, le sait, mais ne peut pas, et surtout, ne veut pas changer. Ils "enculent" ses détracteurs face caméra. L'un des meilleurs moments du film. Mais avec cette leçon des travers humains pour les nuls qui essaye de dépeindre un univers claustrophobe, qu’en est-il du réalisateur ? Pas grand-chose, aucune idée de mise en scène, esthétiquement, le film est un naufrage complet, à la photo indigente, au montage plus qu’approximatif. Quelques plans à la lumière tamisée feront leurs effets, bien maigre consolation. Dommage la fin est intéressante, la dernière conversation entre les deux (ex)époux est glaçante de singularité, un dialogue de sourds où les deux sont à la fois coupables et victimes, deux monstres qui se débattent vainement tel Godzilla et un Muto. Puis la scène finale, le pendant de celle de Shame où l’on voyait le personnage de Brandon retrouver cette fameuse rousse dans le métro : là Mr. Devereaux drague une domestique où la naturel revient au galop sans savoir s’il resurgira un jour…
Velvetman
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le 19 mai 2014

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