Sous des dehors de comédie, Wild Rose est un drame: celui qui suit Rose et son refus obstiné de reconnaître sa qualité de mère.
On voit rarement des personnages aussi impliqués dans la fuite de leurs responsabilités, ou quand on les voit, c’est depuis le point de vue des enfants qui vivent le manque d’attention de leur(s) géniteur(s).
C’est là la particularité de Wild Rose: suivre le déni de maternité à travers les yeux de la coupable.
Jeune, pleine d’énergie, la voix de velours, la vie devant elle, Rose sort de prison avec un objectif: partir à Nashville, où elle sait que son destin va se jouer.
En attendant elle renoue à reculons avec sa vie monotone et ses obligations, notamment son bracelet électronique qui lui impose un couvre-feu quotidien, et puis sa mère qui vient lui rappeler ses erreurs, contrôler qu’elle n’en commet pas de nouvelles, qui la pousse à trouver du boulot.
Et puis il y a cet autre “truc”, ces quatres yeux qui la terrifient, ces deux visages d’enfant qu’elle voudrait oublier, qu’elle refuse de voir comme les siens, dont elle nie régulièrement l’existence.
Le rejet de son rôle maternel fait de Rose un personnage atypique: alors que son obsession, sa passion lui donnent des ailes et une raison de vivre, ses enfants représentent un frein, un cailloux dans ses bottes immaculées. On est loin de la vision idyllique de la famille. On est à mille lieues du joli film estival.
Plus que le bracelet électronique, ce sont ces deux souvenirs de sa jeunesse qui l’empêchent de s’épanouir.
Wild Rose arrive pourtant à ne pas sombrer dans le pathos ou la déprime, et pourtant on ne peut pas le qualifier de feel-good-movie: chaque moment de rire est teinté d’amertume quand on pense au sort des deux abandonnés.
Même si on imagine qu’on se dirige vers une sorte de rédemption, on reste toujours partagé entre le choix de la raison et celui de la passion: les enfants méritent-ils d’être confiés à une mère dévitalisée qui leur reprocherai toutes leur vie d’avoir sacrifié sa carrière pour eux?
Ou au contraire faut-il mieux tenter sa chance, oublier ses responsabilités, et les laisser entre de meilleures mains?
Wild Rose arrive à mêler les sentiments confus du spectateur en laissant son héroïne tergiverser, en la voyant se confronter à son rêve.
Il est rare d’avoir autant d’hésitations sur ce que devrait faire un personnage, et le film arrive à rendre aimable une sorte d’ado irresponsable, à nous donner envie de la voir évoluer tout en se demandant quelle conclusion serait la meilleure.
Et justement, même dans son dernier chapitre, Wild Rose arrive à proposer plusieurs étapes qui permettent au spectateur de refermer l’histoire sans frustration.
Un joli film qui ne laisse pas indifférent et qui propose une lecture originale de la parentalité, celle qui ne va pas de soi, vu du côté de l’adulte qui n’assume pas. Un film dont la fraicheur doit beaucoup à son interprète principale: Jessie Buckley arrive à rendre aimable la jeune écervelée qu'elle campe, et à laisser passer par moments l'émotion derrière la candeur de l'éternelle ado.