Oscillant entre l’Est et l’Ouest, c’est en terres écossaises que Tom Harper (III) nous revient. Il a également passé du bon temps sur le petit écran, mais son retour en force sur le grand format ne pouvait que l’enjailler. Cependant, le public peut aisément être pris à contrepied par la promotion, faite par la presse et notamment par les mots de Time Out. Son homologue, Stylist, trouvera plus de justesse et de modestie à l’égard d’une œuvre qui ne surpasse pas le « A Star Is Born » de Cooper. Ce n’est pas pour autant qu’il faut bouder notre plaisir, car la country possède un effet particulier, celui d’éveiller l’esprit rebelle et combattif chez certaines personnes. D’autres préciseront que tous les genres peuvent conduire au même résultat. Et les plus observateurs pourraient traduire cet élan musical comme un cri de souffrance, derrière la réalité qui nous rattrape tous, qui que nous soyons.


Il fallait alors compter sur la qualité exceptionnelle de l’Irlandaise Jessie Buckley pour camper une Rose-Lynn Harlan féroce et avide de prendre son envol. À peine sortie de prison, elle cherche à fuir son passé et se reconstruire une nouvelle identité. Mais dans son passé, il y a toujours une part d’humanité qu’on ne peut refuser. Jeune et intrépide, la jeune chanteuse de country esquive toutes ses responsabilités pour trouver la paix intérieure, celle qu’on lui refuse, par méfiance ou par défaut. Nous pourrions tout à fait comprendre ses maladresses à l’égard de sa famille, qu’elle néglige, mais tout reste balisé à partir du moment où l’on sait qu’elle est mère de famille. Son dilemme n’en n’est donc pas vraiment un, si on admet la dimension théâtrale du genre. Imparfaite, c’est ce qui fait d’elle une humaine vulnérable qui se sert de son agressivité pour se protéger. Égoïste, elle ne rêve que de country et de succès. Mais ne l’a-t-elle pas déjà déterré ? Peut-elle y avoir accès ? C’est ce que l’intrigue de Nicole Taylor tend à développer, dans une structure narrative un peu trop léchée pour qu’on se laisse surprendre.


Ce qui fonctionnera à tous les coups, c’est la mélancolie dans le parcours de Rose-Lynn. D’une part, nous la retrouvons à travers la vétérane Julie Walters qu’on ne présente plus, incarnant la mère de cette dernière. D’autre part, nous la retrouvons dans les chansons, qui dévoilent son état d’esprit, jusqu’à synthétiser et cristalliser son parcours lourd de sens. Les paroles de Mary Steenburgen nous vont droit au cœur et on ne peut qu’apprécier ce feel-good movie tel qu’il est, telle une lettre de pardon et de remerciement à la fois. Le tout joue sur le support et le discours hautement féminin, car les hommes et les pères sont exclus du drame social. Rose-Lynn est seule face à ses échecs, mais devra se libérer elle-même de sa prison mentale qui la fait souffrir, elle et son entourage.


Cela dit, « Wild Rose » est un bon drame, qui offre une place à la country, là où il le faut, c’est-à-dire chez soi. On se concentre sur une mère en mal de responsabilités et d’identité. La musique finit toujours par trouver son public ces dernières années, rendant hommage sur hommage. Mais dans ce dernier élan de lyrisme, il existe une profondeur sentimentale au récit et à l’aspect du sacrifice d’une mère, brisée entre la passion et le devoir. Authentique à souhait, Harper nous aura bien fait comprendre que pour percer dans ce milieu artistique, il faudra bien plus qu’une voix et quelque chose à dire. Il faut être prêt à tout perdre et c’est ce qui rend l’étoile montante plus charismatique et surtout plus humaine. Un pas pour le succès, deux pour la rédemption.

Cinememories
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le 20 juil. 2019

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