Sauvez Willy. Oui, le titre n'est pas original.

Ceux qui me connaissent ici ou ailleurs le savent, je suis un allergique quasiment épidermique au cinéma hexagonal contemporain. La faute à de mauvaises expériences, un racisme cinématographique chronique ou un mauvais goût à tout épreuve doublé d'une solide mauvaise foi. Ceux-la, donc, sauront qu'un cinq est pour moi un effort surhumain.


Certains pourraient s'attendre à une critique chargée en anecdotes, d'autant que c'était la première fois que j’assistais en tant que néo-parisien à une cinexperience qui fut, je l'avoue, plutôt drolatique quoiqu'un peu courte et dépourvue d'un de ces fameux toast offert après la séance.


Probablement ma déception la plus vive, enfin ...


Mais nenni, non, je ne céderai pas aux sirènes de la routine et de la facilité et je m'en vais, une fois n'est pas coutume, tenter de parler du film en commençant par évoquer d'autres métrages qui me sont restés sur le bout de la langue toute la soirée.
Williy 1er m'a fait penser à une sorte de mélange de Small Apartments pour son héros décalé et hors norme, de New Kids Turbo pour sa vision du beauf de campagne - du beauf de compét', même - et d'une flopée de films belge notamment dans la manière de réaliser et de présenter l'image. Certains ont cité le réalisateur de "P'tit Quinquin" mais moi celui là j'le connais peu, finalement, j'vais donc pas avoir la prétention de te la jouer connaisseur du dimanche.
J'ai des principes, moi !


Bon, après avoir habilement meublé mon début pour te brosser tranquillement un vague aperçu du film et un aperçu de l'étendue de mon écrasante culture cinématographique, je vais essayer de te développer un peu le truc.
Les quatre réalisateurs décident donc de nous narrer dans un récit semi-biographique la vie de Willy, inadapté social patenté qui à 50 ans vit chez ses parents en pleine campagne Normande, entouré de son frère jumeau dépressif qui semble mesurer toute l'ingratitude de sa condition là où Willy ne voit dans son monotone quotidien qu'un monde rose et beau fait d'une routine aussi réconfortante que rassurante.
Le jumeau n'étant pas de son avis, il se suicide un beau matin dans l'indifférence générale et pour le plus grand malheur de son frère qui blâmant son entourage, décide d'aller émigrer dans la "ville" la plus proche, de trouver un emploi, un scooter et des amis afin de mener une existence indépendante, grâce aux conseils prodigué par sa tutrice.
Direction CaudebecWilly va de déconvenues en déconfitures dans son apprentissage de l'indépendance avant de parvenir à réaliser ses objectifs. Récit d'un parcours initiatique, donc.


Ceci une fois résumé, prenons bout par bout ce qui séduit et ce qui retiens dans ce film. A mi-cheval entre la fiction et le film documentaire à visée réaliste, Willy 1er voit son casting composé quasi-uniquement d'amateurs laissés souvent à eux-mêmes donnant la part belle aux improvisations. Willy incarné par Daniel Vannet est à la fois brillant et profondément dérangeant dans cette part d'humanité brute qu'il donne à voir. Ce rôle étant le sien, on pourrait dire qu'il est facile de l'incarner, je pense qu'il n'en est rien. Il donne corps au rôle, est touchant dans ses répliques pleine de bonne foi faisant rire de bon coeur, rarement à ses dépens. Notons que seule l'actrice Noémie Lvovsky est comédienne professionnelle et cela est explicable - et expliqué par les réalisateurs - lorsqu'on sait qu'elle incarne la tutrice de Willy, rôle nécessitant autant de retenue que de douceur, incarnation tranquille d'une autorité légitime qui par empathie suggère l'indépendance sans mesurer les conséquences.
Tout le casting n'est pas égal, loin s'en faut, parfois des silences, des blancs, des répliques peu naturelles viennent ajouter une forme de gène et de pesanteur au métrage. Parfois la pesanteur est voulue, parfois elle découle du jeu d'acteur que les gros plans laissent enfermés dans leurs silences et leurs maladresses.


On ne peut s'empêcher de se demander si la chose n'est pas voulue et le parallèle s'est fait immédiatement pour moi avec l'émission strip-tease dont inconsciemment ou sciemment le film reprend les codes issue du documentaire-réaliste poussant le naturalisme à l'extrême pour nous montrer une vie et un parcours que l'on veut débarrasser de tous les atours de la fiction. En résulte l'impression d'une description dure voir railleuse d'un petit peuple des campagnes qu'on nous présente souvent comme inculte et rustre. L'impression d'une campagne non loin des clichés parisiens cumulant à la dentition cradingue une forme de rejet de la différence crasse qui s'extériorise surtout dans des PMU où la Kro' coule à flots.


On pourrait croire au mépris des gens de la capitale pour ces provinces si éloignés si l'on ne savait pas que les réalisateurs eux-mêmes sont issus de ces régions qu'ils filment et dont ils se moquent. Alors se dessine en demi-teinte quelques moqueries affectueuses, quelques ironies douces que s'autorisent les gens qui se donnent le crédit de l'auto-dérision. Je sais que quelques uns ont pu être ennuyé de ce tableau peu reluisant et souvent en défaveur d'un milieu qu'on nous présente comme largement défavorisé et désoeuvré, notons qu'il y a une volonté de se moquer, de caricaturer parfois qui ne nous laisse pas insensible. Le tableau manque de nuances mais il s'insinue dans le métrage une volonté de se moquer de soi qui transparaît.
Ceci mis à part, notre héros Willy va se trouver en but à la méfiance ordinaire, aux petites vantardises, aux rejets divers dont il sera lui-même acteur dans une tentative désespérée pour s'intégrer au groupe au détriment d'un être plus à part que lui.


En creux de ce métrage, voilà que se dévoile à nous tout le sordide du quotidien, l'immense intolérance face à ceux qui dévient comme palliatif, l'amitié comme rempart face à la solitude et à l'exclusion. La différence est incarnée aussi bien par Willy qui tente de s'affranchir de ses handicaps pour devenir indépendant que par son jeune homonyme incarné par Romain Léger dont l'homosexualité et les shows transformistes sont mal acceptés par les habitants de Caudebec. Si on peut voir en fond une certaine frise de la misère humaine et une certaine volonté de dépeindre la société dans toute sa misère, je pense que ce n'est pas le propos du film et qu'il faut quand même pas trop se toucher la nouille. On est ici plus dans une fable maladroite sur l'intolérance, maladroite mais touchante.
Quand même.


Ceci dit, on notera quelques techniques cinématographique douteuses - ralentis exagérés sur un affreux fond musical - aux accents de beaufitude qui sont sensé nous faire rire alors que ça ne fait qu'appuyer lourdement sur un ressort comique éculé.
On notera aussi les trente premières minutes complètement affreuses, barbantes au possible, voyeuristes, ennuyeuses, nous gratifiant souvent de plans resserrés sur le corps gras d'un Willy dont on semble presque se moquer, faisant passer un épisode de strip-tease pour un reportage pudique sur la chasse au bigorneau. Dire qu'on s'y moque, qu'on montre crue une vérité qui veut nous dégouter sans fard, soit - d'autant que les réalisateurs ne semblaient pas vouloir véhiculer ce message, c'est tout à leur honneur. Mais lorsqu'on ressent jusqu'au tréfonds de notre être un ennui profond tel qu'à côté un reportage sur la chasse au bigorneau nous semblerait une délivrance, ben non. Non monsieur, c'est pas de l'art, c'est pas voulu, c'est pas beau, c'est juste si chiant que si je n'avais pas espéré avoir des toasts gratos, ben je serai parti directement.


Outre cela, le film m'a laissé finalement une impression assez mitigé. Volonté réaliste percutante, gestion du rythme plutôt mauvaise par contre, volonté de montrer une réalité sociale dure et un parcours héroïque - le personnage passant du statut d'inadapté social à celui d'indépendant, de citoyen participant activement à la société - on se retrouve face à un métrage qui aurait pu être très intéressant mais qui échoue souvent dans ses tentatives d'humour, qui propose de ce fait un drame mal désamorcé - pourtant j'aime le drame constamment contrebalancé par l'humour type coréen - qui laisse en fin de métrage l'impression d'un film moqueur, ce que WIlly Ier n'est pas. L'esthétique, enfin, oscillant entre un réalisme aux accents frisant trop le voyeurisme à mon goût et la lourdeur d'un New Kid Turbo.
J'évoquais le rythme, le découpage en chapitre n'est pas une mauvaise idée, donnant un aspect conte moderne à l'ensemble, mais à l'intérieur de ces chapitres l'ennui du quotidien nous saisit, ennui mortel s'il en est. Et malheureusement le décalage des personnages, le jeu des acteurs, l'humour, tout cela est bien insuffisant et ne rattrape pas l'impression d'ennui profond.


Mitigé, mitigé. J'ai préféré essayer de mettre en avant les qualités du métrage plutôt que ses défauts, espérant qu'il saura vous divertir. Je n'en sors pas convaincu. Ma faute, sûrement.


Et en plus, sans toast...

Petitbarbu
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le 30 oct. 2016

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Petitbarbu

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